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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/663

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fonsegrive. — les prétendues contradictions de descartes

principes sur lesquels la synthèse s’appuiera ensuite pour repasser sur les traces de l’analyse. Il n’y a toujours là qu’un double mouvement en sens inverse et point de paralogisme. Si les pas de l’esprit sont plus assurés dans le second mouvement que dans le premier, cela tient à ce que la méthode n’est complète qu’après ce second mouvement, et ce n’est que lorsqu’elle est complète qu’elle peut produire tout son effet dans l’esprit, la science, la certitude absolue, aussi absolue du moins qu’il se peut.

Mais ne négligeons-nous pas dans cette explication les textes formels où Descartes restreint la caution divine à la certitude de la mémoire ? C’est une difficulté à examiner.

Nous avons constaté une apparence de contradiction entre les textes qui font porter la caution divine sur l’évidence tout entière et ceux qui la restreignent ainsi. Cette contradiction est-elle réelle ? Nous ne le croyons pas.

Remarquons d’abord que Descartes ne fait porter le doute hyperbolique que sur la valeur des opérations discursives de l’esprit, jamais sur les opérations intuitives. C’est parce qu’il a découvert dans l’intuition de la conscience son existence liée à sa pensée, qu’il dit : Je pense, donc je suis. Mais, si Descartes ne doute pas de la vérité de ses intuitions, il peut douter de la vérité de ses raisonnements. Cependant, on ne peut nier que le passage analytique d’une intuition à une intuition, d’une vérité à une autre vérité, ne soit lui-même une intuition ; ainsi les moments successifs d’une analyse sont soustraits au doute en tant que l’esprit les accomplit sans aucune interruption. Tandis que l’analyse se continue, chacune de ses articulations est intuitive et intuitivement liée à celle qui la précède, chacune donc est certaine. Mais si le mouvement de la pensée s’interrompt, ce qui arrive le plus souvent, on est obligé de recommencer toute l’opération ou de croire à la certitude de la mémoire, qui nous représente la pensée actuelle comme liée à d’autres pensées antérieurement reconnues vraies.

Prenons par exemple la suite des pensées cartésiennes. J’ai en moi l’idée de perfection, voilà une vérité intuitive, par conséquent certaine. Cette idée de perfection reste identique quand je la considère en elle-même et sans penser que je la possède, ceci est encore une intuition ; dans cette idée de perfection, l’existence m’apparait contenue, encore une intuition ; l’existence de la perfection est donc une vérité intuitive ; la perfection contient en elle la véracité, ceci est encore une vérité intuitive, etc. On voit qu’à chaque intuition nouvelle j’avance d’un pas ; c’est qu’en effet l’intuition pour Descartes n’est pas une notion « qui ne lui donnerait la connaissance