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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/667

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fonsegrive. — les prétendues contradictions de descartes

ait été plus aveugle sur les antécédents théologiques auxquels se rattache directement sa méthode. Cette pensée a peut-être alarmé pour éviter ces condamnations romaines que « M. Descartes, dit Bossuet, a toujours craintes jusqu’à l’excès. » On sait le faux-fuyant singulier qu’il a imaginé pour éviter d’être englobé dans la condamnation de Galilée[1]. Il prétendait que, dans son système, la terre ne tournait pas autour du soleil, parce que, faisant partie du même tourbillon, elle tournait avec lui et ne changeait pas de position par rapport à lui. Il a donc pu ici, poussé par les raisons considérables que nous venons d’énumérer, chercher à donner le change sur sa pensée et paraître la restreindre en la maintenant tout entière.

Quoi qu’il en soit de cette explication toute hypothétique d’ailleurs et que nous donnons pour ce qu’elle vaut, il n’en reste pas moins acquis que les contradictions apparentes entre les textes n’existent pas en réalité. Le système de Descartes ne contient donc pas de vice logique. Il ne débute pas par une pétition de principes, il ne se termine pas par un cercle vicieux. Quant aux contradictions qu’on peut relever entre les textes, elles s’expliquent par le double mouvement d’analyse et de synthèse, de découverte et de démonstration qui constitue la méthode cartésienne.

Fonsegrive.


    plu, je vous en fais voir ici le modèle, ce n’est pas pour cela que je veuille conseiller à personne de limiter… Je crains bien que celui-ci ne soit déjà que trop hardi pour plusieurs… Et le monde n’est quasi composé que de deux sortes d’esprits auxquels il ne convient aucunement, à savoir de ceux qui, se croyant plus habiles qu’ils ne sont, ne se peuvent empêcher de précipiter leurs jugements… ; puis de ceux qui, ayant assez de raison ou de modestie pour juger qu’ils sont moins capables de distinguer le vrai d’avec le faux que quelques autres par lesquels ils peuvent être instruits, doivent bien, plutôt se contenter de suivre les opinions de ces autres qu’en chercher eux-mêmes de meilleures. » — Dissuader ainsi, n’est-ce pas proprement encourager ? — Et. Descartes n’a-t-il pas écrit à la page précédente : « Je m’imaginai que les peuples qui, ayant été autrefois demi sauvages et ne s’étant civilisés que peu à peu, n’ont fait leurs lois qu’a mesure que l’incommodité des crimes et des querelles les y a contraints, ne sauraient être si bien policés que ceux qui, dès le commencement qu’ils se sont assemblés ont observé les constitutions de quelque prudent législateur. » — C’est bien là l’esprit de la Révolution française, cet esprit de construction politique à priori qui a inspiré la Constituante.

  1. Voy. F. Bouillier, Hist. de la phil. cart., t.  I. p. 202.