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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/94

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de la conservation de l’énergie, non pas une conclusion, mais bien une hypothèse.

Mais je voudrais surtout insister sur ce point que, dans les remarques rappelées par M. Fouillée, je défendais, — au point de vue mécanique, le seul que j’aie envisagé, — précisément les conclusions qu’il vient de soutenir avec tant de force et d’autorité.

En fait, je critiquais la thèse de M. Naville et celle de M. Boussinesq ; j’ai essayé de montrer quelle forme mathématique, — celle de force fonction du temps, — pouvait seule convenir à hypothèse du libre arbitre ; j’en ai déduit quelques conséquences, et j’ai conclu qu’en tout état de cause les philosophes pouvaient continuer à discuter librement cette hypothèse, et que, lorsque des théorèmes mathématiques affirment la nécessité comme conclusion, c’est forcément qu’on l’a mise dans les hypothèses. N’était-ce pas là en somme la pensée qu’a exprimée plus heureusement et plus vivement M. Fouillée, en l’accompagnant d’ailleurs d’images frappantes, lorsqu’il a dit que la question était d’ordre purement psychologique et métaphysique et que les mathématiques ne pouvaient rien pour la résoudre ?

Je condamnais donc d’avance implicitement la brillante tentative de M. Delbœuf pour démontrer la liberté par la mécanique. Il me suffira, pour bien marquer ma position, d’ajouter une simple remarque à la vigoureuse réfutation de M. Fouillée.

En réalité, les forces supposées actuellement par les physiciens ne sont pas seulement des fonctions de la distance seule des points matériels entre lesquelles ces forces sont imaginées s’exercer ; on admet encore de plus que ces fonctions sont continues, c’est-à-dire que la force ne varie pas brusquement avec la distance, ne passe pas sans transition d’une valeur finie à une autre lorsque les deux points sont à une certaine distance. Il résulte de cette hypothèse que les trajectoires des points matériels ont dans leur allure une continuité correspondante, que la direction n’en doit pas changer brusquement.

En concédant dès lors à M. Delbœuf qu’il existe en réalité des mouvements discontinus, la conclusion à en tirer n’est nullement qu’il y a des forces fonctions du temps et non de la distance seule ; l’hypothèse de forces variant brusquement avec la distance suffit en effet à expliquer ces mouvements discontinus.

Donnons un exemple : un point matériel, attiré par un centre fixe en raison inverse du carré des distances, décrit une section conique. Qu’on suppose la loi d’attraction vraie seulement au delà d’une certaine distance, tandis qu’en deçà l’action serait nulle ; si les conditions initiales du mouvement sont telles que le point mobile arrive à se rapprocher du centre fixe jusqu’à la distance donnée, à partir de ce moment, il quittera la section conique pour suivre la tangente, puis, lorsqu’il sera revenu à la même distance, il quittera la tangente pour se mouvoir encore sur une conique.

Voilà un exemple très simple d’un mouvement discontinu au sens