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correspondance

de sujets, et j’ai démontré le premier la possibilité de faire chez quelques-uns, par simple affirmation, de l’analgésie avec anesthésie complète :

9o J’ai étudié mieux qu’on ne l’avait fait avant moi les hallucinations post-hypnotiques et à longue échéance ; j’ai montré le premier, je crois, la possibilité de provoquer chez certains somnambules, par affirmation pendant le sommeil, jusqu’à trois scènes hallucinatoires complexes consécutives, après le réveil ;

10o J’ai signalé le premier le phénomène des hallucinations rétroactives (mot que j’ai créé, et qui, plus heureux que celui de hallucinations négatives, a trouvé grâce devant MM. Binet et Féré) ; j’ai insisté sur l’importance majeure de ce phénomène au point de vue médico-légal. M. Liégeois, professeur à la faculté de droit de Nancy, a de son côté et par ses expériences personnelles, par une heureuse coïncidence, constaté le même phénomène ;

11o J’ai établi que l’état de conscience existe à tous les degrés du sommeil provoqué, et j’ai découvert ce fait important : que, lorsqu’un somnambule a oublié au réveil tout ce qui s’est passé pendant son sommeil et que le souvenir incapable de se réveiller spontanément paraît éteint sans retour, on peut toujours (et cela chez tous les somnambules) réveiller tous ces souvenirs par simple affirmation, c’est-à-dire en affirmant au sujet qu’il va tout se rappeler ;

12o J’ai donné une interprétation théorique psycho-physiologique, nouvelle en bien des points, de l’hypnose et de ses principales manifestations ; j’ai émis le premier une interprétation rationnelle sur les phénomènes de suggestion à longue échéance ;

13o J’ai appliqué, après M. Liébeault, la suggestion à la thérapeutique ; j’ai exposé le mécanisme psychique par lequel le cerveau, incité par la suggestion, fait l’inhibition et la dynamogénie nécessaires à l’action thérapeutique ;

14o J’ai établi que la suggestion est la clef du braidisme, que la plupart des phénomènes décrits comme physiques sont d’ordre essentiellement psychique ;

15o J’ai démontré que la cécité suggérée (et je pourrais ajouter la surdité suggérée) est une simple illusion négative, c’est-à-dire une neutralisation de l’image par l’imagination. Ce symptôme n’est localisé ni dans la rétine, ni dans le centre sensoriel cortical, mais uniquement dans l’imagination du sujet ; j’ai démontré qu’il en était de même, au moins dans les cas que j’ai étudiés, dans l’amaurose hystérique.

Telles sont mes contributions principales à l’étude de l’hypnotisme. Aux lecteurs de juger si mon livre est un anachronisme.

J’arrive à la grande question qui nous divise. J’ai dit que nous n’avons jamais observé à Nancy les trois phases de l’état hypnotique, décrites par l’école de la Salpêtrière ; que ni l’ouverture des yeux, ni la friction du vertex, ni aucune manipulation n’ont modifié les phénomènes, là où la suggestion n’était pas en jeu. J’ai expérimenté sur des centaines