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est tranquille et que nous nous amusons très bien. » Quelques variantes d’orthographe.

On pourrait regarder le problème comme résolu, à la condition bien entendu, que des expériences postérieures ne viennent pas contredire les déductions déjà tirées. Que voyons-nous ici ? l’hypnose parfaitement caractérisée par la physionomie du sujet, par sa manière de parler et d’agir, par son indifférence à l’endroit du chiffon qu’on lui donne comme papier à lettre, par ses réflexions topiques au sortir de cette veille apparente

Mais, circonstance rare et tout à fait probante — je ne l’ai plus vue se renouveler qu’une fois (voir plus loin) — c’est que la suggestion avait reçu un premier accomplissement par un rêve. Ce rêve dans son fauteuil a été, pour M….., l’équivalent exact d’une action somnambulique. Celle-ci n’aurait donc pas différé de celui-là au point de vue psychologique. En diffère-t-elle au point de vue physiologique ? Il serait permis d’en douter. Les mouvements en sont plus extérieurs et plus étendus, il est vrai ; mais c’est là une pure différence de degré, rien de plus. Des expériences qu’on verra plus loin vérifieront cette induction.

J….. aussi s’est endormie après avoir peigné M. de R….. Par malheur, je n’ai pas pensé à l’interroger sur ce qui s’est passé en elle pendant ce repos de quelques minutes. J’appelle donc l’attention de mes confrères en hypnotisme sur ce phénomène, pour le cas où ils auraient l’occasion de l’observer. Peut-être même, quand il arrive que la suggestion ne se rêalise pas, se réalise-t-elle en songe à l’insu de l’expérimentateur. L’expérience nous montre encore que, quand le sujet est entré dans l’état hypnotique et qu’il est abandonné à lui-même, sa volonté et son initiative, abolies pour tout le reste, ne le sont pas pour les détails non prévus.

Les expériences subséquentes mettront également hors de doute ce dernier point déjà signalé par M. Beaunis[1]. Mais comme il y a toujours de ces détails à l’égard desquels le sujet conserve sa liberté, il se rend d’autant mieux compte de la contrainte qui pèse sur lui et lui commande le principal. C’est aussi ce que nous verrons bientôt.

Sa conscience, c’est-à-dire cette faculté qui lui permet de se voir pensant et agissant, n’est nullement amoindrie, et le souvenir des moindres détails peut, sous les conditions connues, se raviver en lui sans peine. On ne peut donc pas l’assimiler à un automate ni à une grenouille décapitée.

  1. Op. cit., p. 79 et suiv.