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DELBŒUF.de la prétendue veille somnambulique

ou qu’elle allait tirer l’aiguille au risque de défaire le travail déjà fait, ou qu’elle continuerait son tricot jusqu’à ce que l’aiguille sortit — c’était là que j’attendais l’entrée en scène de la spontanéité — elle a fait mieux que tout cela.

C’était d’ailleurs là un détail accessoire de l’expérience qui avait pour but de bien constater que le sujet s’endormait au moment d’accomplir la suggestion. Cette thèse, elle l’a confirmée au delà de toute prévision.

Avant d’aller plus loin, il est bon peut-être de fixer en quelques traits l’esquisse du tableau de la soi-disant veille somnambulique, tel qu’il ressort à cette heure de nos recherches.

La veille somnambulique ne diffère du somnambulisme ordinaire qu’en ce que l’acte par lequel le sujet est plongé dans cet état provient d’une suggestion antérieure, et que, entre cette suggestion à échéance, et l’hypnose, s’est intercalé un certain intervalle de veille effective ou parfois peut-être purement apparente, si l’échéance est courte. C’est cette circonstance, tout extérieure, qui a pu faire croire aux praticiens qu’il y avait là un phénomène d’un ordre nouveau. Au fond, l’essentiel c’est que la suggestion fait que Mile A….. E….. voit à M. X….. un nez d’argent ; il importe peu que l’effet soit immédiat, qu’il se produise au réveil, ou bien qu’il ne se manifeste qu’après un laps de temps fixé à l’avance.

La veille somnambulique est suivie d’un réveil, comme le sommeil ordinaire ou le sommeil hypnotique. Le réveil peut être obtenu par les procédés appliqués ordinairement au sommeil hypnotique.

Les actions faites pendant la veille somnambulique sont susceptibles d’être l’objet du souvenir. Mais le sujet ne garde aucune idée du moment où il y entre. Il en est d’ailleurs absolument de même par rapport à son entrée dans le sommeil hypnotique ordinaire, et aussi dans le sommeil physiologique.

Le sujet dressé de manière à faire la différence entre ses états normaux et ses états hypnotiques, et qui reconnaît, par exemple, que dans l’état hypnotique il est contraint, que ses sensations sont limitées à un seul objet, que les étrangetés des choses ou de ses actions ne lui causent aucun étonnement, retrouve tous ces caractères dans l’état dit veille somnambulique, et, si exercé qu’il soit, ne le distingue aucunement de l’hypnose ordinaire. Il n’y a donc aucune raison de conserver une dénomination spécifique qui ne repose sur aucune réalité.

Quant à l’explication du phénomène, elle est des plus simples. Toute suggestion ou toute injonction pour l’accomplissement de laquelle on fixe une époque future, est censée formulée dans les