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termes suivants : « À tel moment vous vous endormirez, puis vous verrez ou vous ferez telle chose ». C’est cet ordre latent qui est la cause de l’hypnose ultérieure.

VII

Nous venons de voir que, dans la veille somnambulique, le sujet est soustrait au monde réel, comme il l’est dans l’hypnose ou dans le sommeil ordinaire — premier trait de ressemblance entre les trois états.

Il est une seconde manière de mettre en évidence l’entière ressemblance du rêve physiologique et du rêve somnambulique, que celui-ci se produise pendant la veille apparente ou pendant l’hypnose c’est de comparer directement les facultés psychiques du sujet suivant qu’il est sous l’empire de l’une ou de l’autre espèce de rêve. Cette comparaison on peut lui demander de la faire lui-même ; nous pourrons aussi essayer de la faire d’après leurs signes extérieurs.

Une première analogie bien significative, c’est l’impossibilité pour les sujets de distinguer un rêve suggéré d’un rêve naturel. J’ai donné aux miens, pendant plusieurs jours consécutifs, des rêves suivis : J….. et M….. étaient au bal — des jeunes gens leur faisaient la cour — ils adressaient leur demande aux parents — mariage — bouquet, — voyage dans des pays lointains : mer, forêts, villes, monuments, achat de souvenirs pour les parents et amis, etc. Les deux premiers jours elles croyaient avoir rêvé naturellement ces belles histoires ; le troisième jour, il a bien fallu leur dire la vérité, ce qui les a émerveillées. Elles n’aimaient pas ce genre de rêves, c’était trop beau.

Je leur ai aussi donné des rêves d’après gravures[1]. J’ai chez moi une reproduction du célèbre tableau de Wautier : le Repas des funérailles. On vient d’enterrer le mari, un chasseur, doit-on croire ; voilà son fusil, ses souliers, son chien. Dans un coin, près du lit, la veuve, accablée de douleur ; des femmes, deux vieilles et deux jeunes, la consolent. Au centre, une table servie, des femmes tout autour, dont une jeune (la sœur ?) mise avec quelque recherche ; quelques-unes attirent à elles les petits orphelins, qui pleurent ; dans un angle, par la porte, on voit, dans une autre pièce, des hommes à l’air assez indifférent qui causent ; sur le sol, des fleurs çà et là.

J’ai hypnotisé J….. et M… et leur ai montré la gravure en l’expliquant, et annoncé qu’elles verraient cette scène en rêve. C’est ce qui

  1. Voir le Sommeil et les Rêves, p. 112 et suiv.