Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
revue philosophique

passe ses mains tout autour, sans l’effleurer. Je lui dis : « Vous me voyez ? — Oui, monsieur. — Combien de doigts est-ce que je vous montre ? — Cinq.. Avec quoi les voyez-vous ? — Avec mes yeux. — Mais vous n’avez plus de tête ; vous ne devez pas voir avec vos yeux. — Je vois avec mes yeux. » Je la place devant la glace ; elle voit sa tête. J’insiste ; elle continue à la voir. Je fais un geste comme pour la faire partir ; elle la voit s’évanouir. Maintenant M….. voit son corps sans tête. Je lui montre au loin mon chapeau : « Voilà votre tête ! — Non, monsieur ! — Si, regardez bien ! — Non, c’est un chapeau. — Venez plus près ! — Ce n’est pas ma tête. » Je lui dis de se retourner et lui montre de loin une éponge sur le lavabo. « Ah ! voilà ma tête ! » Elle court, prend l’éponge, veut se la mettre sur le cou, touche sa figure, remet l’éponge sur le lavabo et se réveille. Souvenir.

Interrogées quelques heures après, elles se rappellent les moindres détails de mes précédents interrogatoires. J’insiste. Pour J….., c’était un grand travail de comprendre comment elle pouvait voir n’ayant pas sa tête, et elle « n’en sortait pas ». Quant à M….., elle ne savait pas comment ses yeux tenaient, mais elle avait ses yeux ; elle n’était pas trop inquiète ; « il lui semblait que sa tête reviendrait ». Elle a parfaitement vu sa tête s’évanouir dans la glace sur mon ordre, et se rappelle le geste que j’ai fait pour la faire disparaître.

Conclusion : les facultés intellectuelles du sujet pendant le sommeil ou la veille somnambulique sont déprimées au même degré que pendant le sommeil normal.

J. Delbœuf.
(La fin prochainement.)