Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
revue philosophique

On lui nomme une personne qu’elle hait profondément, cela la met dans une grande colère, et elle dit qu’elle ne lui pardonnera jamais. Application de l’aimant. Quelques instants après, son visage exprime la compassion. Elle s’écrie : « Pauvre malheureux ! il ne m’a fait du mal que parce qu’il m’aimait trop : je ne puis réellement le haïr. »

Après avoir provoqué l’état somnambulique chez un autre sujet, qui est un homme que l’on peut faire passer par toutes les phases de l’hypnotisme, on lui offre un verre d’eau. On lui suggère que c’est une liqueur délicieuse ; il la boit alors avec une extrême avidité. Au même instant, on lui applique l’aimant ; aussitôt il éloigne le verre de ses lèvres et crache avec dégoût la boisson, parce qu’elle a une saveur amère et mauvaise.

On lui présente quatre feuilles de papier, et on lui suggère que sur l’une d’elles se trouve l’image charmante d’une jeune fille ; on mêle ensuite les feuilles, afin qu’il recherche celle sur laquelle était fixée l’hallucination suggérée : il la retrouve en effet et admire la beauté de l’image ; en cet instant on lui applique l’aimant. Aussitôt, sa physionomie exprime la répulsion, il éloigne la feuille de papier en disant : « Elle est laide. »

Dans ce sujet, la disposition d’esprit suggérée en faveur ou contre une personne est très intéressante. On lui suggère qu’une des personnes présentes, qu’il ne connaît que de vue, est un mauvais sujet qui cherche à lui nuire ; ensuite on le réveille. Au moment de s’en aller, et après avoir salué tout le monde, il lève une chaise et s’élance sur cette personne : à ceux qui lui reprochent sa manière d’agir, en lui disant que la personne en question est très honnête, il réplique avec violence : « Non, il veut me détruire et je l’assommerai où je le rencontrerai. » On lui applique l’aimant ; aussitôt il sourit, va vers cette personne et lui tend amicalement la main.

L’aimant n’a pas toujours cet effet sur les hallucinations suggérées. Nous avons par exemple appliqué l’aimant à un demi-mètre du derrière de la tête à un sujet qui, dans l’état somnambulique, suivait l’hypnotiseur dans tous ses mouvements. Il resta comme cloué au sol en oscillant entre l’hypnotiseur et l’aimant, et finit par se retourner irrésistiblement vers ce dernier. Malgré cette puissante influence de l’aimant sur ce sujet, il n’avait cependant aucune action sur son idéation.

Du reste, toutes les suggestions ne peuvent pas être inverties par l’aimant. Chaque fois que la suggestion se réalise par une action continuée et n’est pas l’expression d’une émotion ou d’une impulsion, ou lorsqu’elle implique un changement de la propre individualité, l’aimant exerce peu ou point d’influence. Par exemple on joint les mains du sujet comme pour la prière ; les sensations musculaires détermi-