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CH. RICHET.la psychologie générale

pédante. Peut-être serait-il convenable de se servir du mot idéation, en laissant au terme intelligence son sens précis, net, formel, c’est-à-dire la compréhension consciente des choses.

Pour ma part, j’entendrai le terme psychologie dans un sens plus large encore que l’idéation inconsciente, et l’intelligence consciente.

En effet, un grand nombre d’êtres exécutent des actes compliqués, qu’on appelle instinctifs, et il est tout à fait vraisemblable qu’ils n’en ont aucune intelligence, ni consciente, ni inconsciente. Dira-t-on pourtant que l’instinct ne relève pas de la psychologie ? Assurément cette exclusion ne saurait être admise par personne. L’instinct est une force psychique, intelligente quant à son but, sinon quant à ses moyens. C’est assez pour lui donner une place dans la psychologie générale.

Si l’acte exécuté est incompris de celui qui l’exécute, il est cependant parfaitement approprié à son but. Il témoigne donc d’une intelligence vague, latente, qu’on ne saurait nier. D’ailleurs on peut observer toutes les gradations, et une hiérarchie très régulière, entre l’instinct aveugle et l’intelligence parfaitement consciente.

Il y a donc, en définitive, des forces psychiques diverses : l’instinct ou intelligence latente ; l’idéation ou intelligence inconsciente ; et enfin l’intelligence proprement dite ou intelligence consciente.

Mais l’instinct lui-même, quelles sont ses origines ? Par où faut-il le faire commencer ? Nous ne craindrons pas ici d’aller aux conséquences extrêmes auxquelles nous conduit la physiologie générale. De même que les zoologistes et les embryologistes assignent aux êtres si diversement constitués l’humble origine d’une première cellule, de même à toutes les forces psychiques, instinctives, intellectuelles, nous pouvons assigner l’humble origine de l’action réflexe élémentaire. L’instinct n’est pas toujours aussi compliqué qu’on a coutume de le supposer, quand on emploie ce mot sans épithète. Certes oui ! l’instinct d’une mère qui se penche, pleine d’amour, sur le berceau de son enfant, ou l’instinct de l’abeille qui construit une cellule hexagonale, ou l’instinct du sphex qui empoisonne, au second anneau céphalique, le corps de sa victime, constituent des opérations intellectuelles complexes, dont le caractère psychologique n’est pas niable. Mais combien de fois l’instinct est plus simple, plus rudimentaire ?

Prenons un exemple dont la valeur historique est grande, car c’est à l’aide de ce schéma que Descartes a donné le premier, avec une précision remarquable, la théorie de l’action réflexe. Voici un objet brûlant avec la main on le touche, et aussitôt on retire sa main Est-ce un instinct ? est-ce un acte réflexe ? est-ce un acte intellectuel ?