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La psychologie peut être, comme la physiologie, classée en plusieurs divisions bien distinctes. Il y a une psychologie sans épithète qui traite de la psychologie tout entière, et sous toutes ses faces ; puis une psychologie humaine, c’est-à-dire limitée à l’intelligence de l’homme ; puis une psychologie comparée, où sont analysés les phénomènes intellectuels observés chez les animaux et rapprochés de ceux que présente l’homme même, une psychologie pathologique, qui décrit et commente les modifications que la maladie apporte à l’intelligence humaine, et enfin une psychologie générale, qui, sans entrer dans le détail des faits, des analogies et des comparaisons, cherche à faire rentrer dans un cadre unique les faits de détails qui sont innombrables. En un mot, la psychologie générale s’efforce de faire la synthèse, en mettant à profit les analyses faites par la psychologie humaine et la psychologie comparée.

Pour la psychologie générale comme pour la physiologie générale, la seule méthode qu’il convienne de mettre en usage, c’est la méthode expérimentale. À ce propos, afin d’éviter une confusion, assez fréquente, une courte explication sera ici nécessaire.

En effet, on a souvent prêté aux défenseurs de la psychologie expérimentale une opinion très commode à réfuter. On a dit qu’ils n’admettaient que l’expérience, et qu’ils niaient la valeur du sens intime ou observation intérieure. Mais vraiment aucun physiologiste n’a songé à exclure l’observation intérieure de nos éléments de connaissance. Comment étudier les effets de la mémoire, de l’imagination, si l’on ne s’observe pas soi-même. Quel est donc le physiologiste ou le naturaliste qui a émis cette opinion ? et pourquoi se plaît-on à la combattre, puisque personne n’est pour la soutenir ? L’observation intérieure constitue une psychologie d’observation tout aussi féconde, tout aussi légitime que la physiologie la plus expérimentale qu’on voudra bien imaginer. Les faits ainsi acquis par l’étude du moi ont autant de valeur — si du moins ils ont été observés avec soin et méthode — que les phénomènes physiologiques enregistrés dans les laboratoires par les méthodes les plus perfectionnées de la technique contemporaine.

Mais cette observation intérieure, si puissante qu’elle soit quand elle s’adresse à la conscience, ne peut s’appliquer qu’à un seul objet, la connaissance du moi. Hors de là, elle est stérile et dangereuse. Ce n’est pas l’observation intérieure qui va nous dire comment se meuvent les astres, et quelles sont les propriétés de la matière. Le moi se connaît, s’étudie ; il se regarde, se juge, mais il lui est interdit de sortir de cette sphère du moi, si vaste que les découvertes à faire encore y sont innombrables, si étroite que sa curiosité mal satisfaite