Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
revue philosophique

de la discussion à laquelle cette communication a donné lieu. La note est intéressante malgré son extrême maigreur. Le Dr Edgar Bérillon, directeur de la Revue de l’hypnotisme, connu d’autre part par des travaux de vulgarisation médicale et d’hygiène scolaire, a eu l’idée originale de faire profiter la pédagogie des progrès réalisés dans l’étude de la suggestion mentale : s’appuyant en particulier sur les observations recueillies par le Dr A. Voisin, à la Salpêtrière, observations dans lesquelles l’hypnotisme est apparu « non seulement comme un moyen de guérir la folie, mais encore comme un agent moralisateur de la plus grande efficacité », il se demande si le moment n’est pas venu d’utiliser l’hypnotisme comme moyen d’éducation. Il ne prétend point que l’on substitue ce moyen aux autres là où les autres réussissent ; mais si le Dr Voisin a pu, par la suggestion hypnotique, transformer une malade de vingt-deux ans, voleuse, prostituée, brutale, ordurière, paresseuse, malpropre et incorrigible, en une personne obéissante, soumise, honnête, laborieuse et propre ; — si le Dr Liébeault a pu avec un plein succès suggérer à un collégien de la pire espèce de devenir docile et ardent au travail, à un idiot de devenir attentif, etc., pourquoi n’essayerait-on pas d’appliquer, « sous la direction d’un médecin compétent et exercé », l’hypnotisme comme moyen pédagogique à des enfants mauvais, vicieux et malades, sur qui tous les autres moyens auront échoué ? Telle est, en deux mots, la proposition de M. Bérillon, neuve, à la vérité, mais logique, modérée, en somme, dans sa hardiesse. Elle prêtait à une discussion très intéressante ; on ne peut que regretter qu’elle ait donné lieu à un débat des plus pauvres, presque entièrement à côté de la question. — Un professeur de philosophie, M. Blum, a cru devoir faire des réserves au nom de la liberté morale de l’enfant : « L’éducation, a-t-il dit, ne doit pas tendre à transformer l’homme en une machine ; elle doit, au contraire, susciter l’effort, favoriser l’éclosion des bons germes et faire avorter les mauvais. Les idées morales sont innées dans l’homme et il faut se borner à en surveiller le développement. D’ailleurs qui peut affirmer que certains individus n’abuseront pas du procédé qui leur est indiqué pour faire à l’enfant des suggestions mauvaises ? » Scrupules honorables, mais qui ont eu le fâcheux effet de faire immédiatement dévier la discussion vers les banalités morales et les vagues généralités, d’où elle n’a pu être ramenée sur le terrain de la science et des faits.

Tout le monde a voulu répondre à M. Blum, sans réussir d’ailleurs à le rassurer. M. Liégeois, professeur à la Faculté de droit, a dit qu’il n’était point question d’hypnotiser tous les enfants, d’introduire la pratique de la suggestion dans les programmes et d’en faire un procédé général d’éducation ; qu’il s’agissait seulement de s’en servir dans certains cas pour réformer les natures vicieuses ; qu’en admettant des abus possibles, il faudrait les surveiller et les punir, mais que ce n’était pas une raison pour se priver des secours de la suggestion dans les cas où elle peut être utile. M. Leclaire, avocat à la cour d’appel, a fait