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ANALYSES.e. bérillon. La suggestion en pédagogie.

-même, en l’absence de toute suggestion venant d’autrui » ; quelle façon laborieuse et inutilement compliquée, de désigner le phénomène si simple de l’imitation inconsciente ? phénomène dont il n’est pas vrai de dire que la pédagogie méconnaisse ou atténue l’importance, phénomène, en tout cas, bien distinct de la suggestion hypnotique, dont on préconise l’emploi. Cet emploi, il s’agissait de le justifier, de le faire paraître acceptable et pour cela il n’y avait qu’un moyen, c’était d’en donner une idée nette. Au lieu de nous inviter à faire aux enfants paresseux, indociles ou médiocre « des suggestions verbales à l’état de veille », conseil qui n’a aucun rapport avec la question, et dont n’avaient pas besoin les pédagogues, car ils ne font, hélas ! pas autre chose, il fallait, dégageant avec soin la suggestion hypnotique de tout ce qui n’est pas elle, et une proposition hardie et neuve de tous les lieux communs pédagogiques, nous dire au juste en quoi consisterait l’application de l’hypnotisme à l’éducation ; comment procéderait l’opérateur, non pour obtenir le sommeil, cela est supposé connu, mais pour suggérer à un enfant d’être attentif, à un autre d’être poli, docile, délicat, etc. Tout le monde ne sait pas, et tout le monde aurait appris avec plaisir comment le Dr Voisin a obtenu les beaux résultats que l’on rapporte. Le dire avec précision eût été le vrai moyen de calmer les scrupules moraux et de vaincre les hésitations. On nous affirme qu’il ne peut y avoir aucun inconvénient à provoquer l’hypnotisme ; en est-on sûr absolument, ou n’est-ce que par rapport à des enfants « déshérités » qu’on tient pour des malades incurables de toute autre manière ? M. le Dr Liébeault a expérimenté sur plusieurs milliers de personnes tant saines que malades, « sans jamais constater le moindre accident consécutif » ; mais le Dr Bérillon, au contraire, avoue incidemment qu’il y aurait des inconvénients graves à pratiquer l’hypnotisme « chez des sujets excellents et bien portants ». On aimerait à savoir quels sont précisément les dangers, afin de juger en connaissance de cause s’il n’y en a réellement point d’analogues à craindre pour les « incorrigibles. » Ceux-ci d’ailleurs ne sont pas tous tels de la même manière et au même degré ; certains enfants, condamnés par un maître, sont quelquefois corrigés sans peine par un autre plus habile. Ne serait-il pas bon de commencer par s’entendre sur les signes essentiels auxquels on reconnaîtra ceux dont l’indocilité, ayant positivement un caractère morbide, doit être livrée au médecin ? Voilà un échantillon des questions que soulevait, selon nous, la communication du Dr Bérillon. Sur ces points et sur d’autres on aurait pu souhaiter quelques éclaircissements avant de voter sa proposition, sans y opposer en aucune manière une fin de non-recevoir pour des raisons morales ou métaphysiques. Cette proposition n’est ni absurde en elle-même, ni même choquante moralement dans les termes où elle se présente ; mais ce n’est pas lui faire tort que de dire qu’elle a, dans l’état actuel de nos connaissances, quelque chose d’aventureux, et qu’elle est grave. L’éducation ne doit négliger aucun secours, mais elle ne peut qu’à bon escient, et avec une réserve scrupuleuse, prendre pour guide une