Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
ANALYSES.l. noiré. Logos.

signe-espèce ? C’est une question métaphysique. Il paraît à M. Noiré que l’homme a compris d’abord l’idée de génération, de succession, de causalité, laquelle se rapporte au genre, et que la langue désigne les objets génétiquement.

Qu’est-ce que l’image ? Elle est une manifestation sensible comme le signe, mais où la volonté participe, et qui devient le moyen de la fantaisie, de l’imagination. Le son (Laut) n’est que signe, la représentation éveillée n’est qu’image ; de l’union des deux sort tout penser, tout langage. Au sens kantien, l’objet n’est pas la chose en soi, il est l’ensemble de nos excitations sensorielles rapportées à une cause extérieure ; il n’est pas réalité, il est réflexion et, au plus large sens, image. Nos excitations sensorielles, d’autre part, ne se peuvent objectiver que dans les formes transcendantales de la sensibilité, soit le temps et l’espace, et ces formes idéales ne peuvent que nous livrer des représentations et faire naître pour nous un monde d’images. Mais les images pouvant être librement reproduites deviennent objets d’activité intellectuelle. Les sensations pures n’y seraient pas aptes, sauf pourtant celles de la vue et de l’ouïe, ces deux sens de l’intelligence, comme on les appelle pour cela. Encore la vue donne-t-elle seule une image sans mélange. Au contraire les sons-images doivent être vraiment entendus pour être reproduits, c’est-à-dire exprimés par les organes, et agir ainsi du dedans au dehors sur le sens de l’ouïe. C’est pourquoi l’imitation des bruits, des sons, demeure possible aux animaux, tandis que la représentation des pures formes de l’espace leur est refusée. Seul, l’homme cultivé possède des peintures, des statues, et connaît la joie de la beauté.

Le signe appartient au domaine de la volonté, soit de ce qui est connu immédiatement ; l’image, à celui de la représentation, soit de ce qui est connu médiatement. Mais, dans les langues développées, le signe et l’image ne se distinguent plus si nettement et l’on a pu tomber dans l’erreur grossière de la théorie mimique, ou de l’onomatopée, qui tire le signe de l’image.

En revanche, Lazarus Geiger s’est égaré en voulant tirer le son de la sensation et en fermant ainsi la porte à l’imitation. L’homme (Noiré le répète après Schopenhauer et les philosophes hindous) n’est pas une connaissance qui veut, mais une volonté qui allume le flambeau de la connaissance pour éclairer son chemin. Donc, il n’est pas vrai que la langue désigne immédiatement et change en images spirituelles, en vertu du pouvoir de l’intelligence, ce que donnent les sens ; le langage ne serait plus alors l’instrument nécessaire à la naissance et au développement de la pensée ; il n’en serait que le moyen d’expression, et cela est absurde. Les empiriques et les naturalistes sont les derniers attardés à croire que les hommes primitifs ont nommé l’arbre, l’animal, le soleil ; ils supposent ainsi les représentations générales qu’il s’agit d’expliquer. Les choses ont été nommées d’après leurs ressemblances ; la difficulté est de dire comment l’évolution s’est faite ensuite. La cau-