Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
revue philosophique

la connaissance sont aussi des fonctions (objectives) de l’existence et de la réalité métaphysique. Plus simplement : l’intuition rationnelle, tout en étant et par cela même qu’elle est d’un autre ordre, n’est pas moins véridique, ou pour parler le langage de Kant en le combattant, pas moins « pleine de contenu » que l’intuition sensible et phénoménale. Les data à priori de l’intelligence sont valables d’une double manière : immanente et expérimentale, mais aussi transcendante. Voilà le dualisme, tiré du criticisme même.

L’idée organique de la doctrine est que toute la connaissance proprement humaine, avec ses points de vue suprêmes, ou ses points de repère actuellement fixes, n’est rien que l’expansion, le développement d’une « activité fondamentale », qui se nomme la volonté et ne se sépare point de la raison. L’œuvre de la volonté, au plus bas degré de la connaissance active (la seule humaine), dans la perception d’un objet externe par exemple, est de fixer pour ainsi dire les phénomènes, d’en arrêter la course irrégulière et désordonnée, de les ranger, de les trier d’une manière active, et d’après des règles de coordination. Sous des dénominations diverses et variables, usitées dans les livres ou dans les écoles, ces actes successifs et ces règles de coordination ne sont que les moments progressifs et les conditions d’être de l’acte même de volonté. « Par la conscience, écrit l’auteur, le sujet dépasse l’étage de la réceptivité passivo-active… Une force s’est emparée des phénomènes : la volonté. Aucun être nouveau, aucune individualité nouvelle n’a cependant été créée. L’individualité-sujet existe dans le chien comme chez l’homme : mais chez ce dernier un mouvement de rébellion a surgi contre le dehors, et a fini par emporter la victoire. Ce n’est point qu’une « substance » nouvelle, je le répète, se soit à ce moment glissée dans notre peau, comme on l’affirme trop communément… La vérité se réduit à ceci : un mouvement d’action s’est produit dans le sujet, et a été effectué par lui. Nous voilà en face d’une activité essentiellement active, d’une activité pure : la volonté. »

Quel est donc le stimulus mental d’où sort cette action de la volonté ? — Dans chaque cas particulier la tendance sera aussi particulière : ce sera telle fin déterminée, ou une autre. Mais, si nous retenons l’essence même du fait volontaire, nous pourrons dire en langage métaphysique, que ce qui fait surgir la volonté, c’est la forme d’une fin ou d’un dessein. Comme pur mouvement, la volonté est un mouvement cinétique et une cause cinétique : comme volonté déterminée à une fin, elle est encore un mouvement, mais en même temps une cause formelle. Le fait primaire et simple de la volonté nous découvre donc une double idée : celle de cause motrice et efficiente, et celle de cause finale ou téléologique.

L’animal n’a pas d’intuition claire et distincte des choses extérieures à lui. Désignons, sans plus, la connaissance aveugle à laquelle il est borné par le mot « d’attuition », si vous voulez. Comment, pourrons-nous alors demander, l’activité perceptive de l’homme transforme-t-elle le