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sique forme un parfait contraste avec celle du criminel, dont la laideur est en somme le caractère le plus prononcé. Sur 275 photographies de criminels je n’ai pu découvrir qu’un joli visage, encore est-il féminin ; le reste est repoussant en majorité, et les figures monstrueuses sont en nombre[1]. »

Et Dostojewsky en parlant d’un de ses camarades à la maison de force dit : « Sirotkine était le seul des forçats qui fut vraiment beau ; quant à ses camarades de la section particulière (celle des condamnés à perpétuité), au nombre de 15, ils étaient horribles à voir, des physionomies hideuses, dégoûtantes[2]. »

D’ailleurs, quoique la constatation des anomalies anatomiques soit une découverte d’une importance immense, l’impossibilité de la déterminer avec précision d’après nos moyens d’expérience ne peut signifier la non-existence de l’anomalie psychique.

« Les actions psychologiques, dit M. Benedikt, ne sont que partiellement une question de formes ou de volume des organes psychiques ; elles sont, en grande partie, le résultat de phénomènes moléculaires, et nous sommes encore assez éloignés de posséder une anatomie des molécules. Ainsi la question du tempérament est principalement une question physiologique et non anatomique. »

Je commencerai par avancer une idée qu’on pourra croire tant soit peu hasardée. Je pense que l’anomalie psychique existe, à un degré plus ou moins grand, chez tous ceux que, d’après ma définition, on peut appeler criminels, même lorsqu’il s’agit de ces sortes de délits qu’on attribue généralement aux conditions locales, ou à certaines habitudes climat, température, boisson ; — même lorsqu’il s’agit de crimes dérivant de certains préjugés de race, de classe ou de caste, de crimes pour ainsi dire endémiques.

II

Suivons la même méthode dont nous venons de faire usage. Commençons par le haut : Lemaire, Lacenaire, Troppmann, Marchandon, les tueurs de vieilles femmes, les assassins par mandat, les étrangleurs, etc. Personne ne doutera de leur insensibilité morale. Cela est encore plus frappant lorsqu’il s’agit de jeunes gens, — de ce garçon de seize ans, par exemple (dont j’ai parlé dans ma communication à la Société de Psychologie physiologique), qui se lève de grand matin, se rend à une écurie où un petit mendiant s’était abrité pour la nuit, le

  1. G. Tarde, La criminalité comparée, p. 16, Paris, 1886.
  2. Dostojewsky. La Maison des morts, p. 57, Paris, 1886.