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GAROFALO.l’anomalie du criminel

nation non inférieure à une année de prison, ou à une condamnation criminelle, etc.

Malgré cela la récidive légale atteint 52 pour 100 en France, 49 pour 100 en Belgique, 45 pour 100 en Autriche ! « Ce sont les mêmes individus, a dit un auteur, qui commettent toujours les mêmes crimes. »

IV

Il y a aujourd’hui bien peu de savants qui nient absolument l’existence des penchants criminels innés, mais il y en a beaucoup qui les réduisent à quelques cas pathologiques, et qui pensent que la grande majorité des délinquants n’est composée que de gens non dégénérés organiquement, mais socialement. Nous sommes loin de nier l’importance des causes extérieures, qui sont même les causes directes et immédiates de la détermination, telles que le milieu ambiant, physique et moral, les traditions, les exemples, le climat, les boissons, etc. ; mais nous pensons qu’il existe toujours dans le criminel un élément congénital différentiel. Le délinquant fortuit n’existe pas, si par ce mot on veut signifier qu’un homme moralement bien organisé peut commettre un crime par la seule force des circonstances extérieures. En effet, si, parmi cent personnes qui se trouvent dans des circonstances identiques, il n’y en a qu’une seule qui se laisse entraîner au crime, il faut bien avouer que cette personne a ressenti d’une manière différente l’influence de ces circonstances ; donc, il y a en elle quelque chose d’exclusif, une diathèse, une manière d’être toute particulière. C’est ce qu’on pourrait dire, par exemple, à ces auteurs qui voient dans la misère de certaines classes la source des crimes commis par quelques individus. Mais ces classes, où la souffrance est également répandue, ne sont pourtant pas composées de criminels, car ceux-ci ne représentent toujours qu’une très petite minorité. Elles sont, peut-être, comme l’a dit M. Lacassagne, le bouillon où le microbe peut se développer, le microbe, c’est-à-dire le criminel, qui n’en est donc pas le produit nécessaire ; mais qui, dans un milieu différent, serait probablement resté à l’état de criminel latent. On ne peut donc pas séparer les criminels en deux classes distinctes, l’une d’êtres anormaux, l’autre d’êtres normaux ; on ne peut les classer que d’après le degré, plus ou moins grand, de leur anomalie. C’est en ce sens que j’ai parlé, dans mes ouvrages, de délinquants instinctifs et de délinquants fortuits : les premiers étant caractérisés par l’absence du sens moral et la toute-puissance des