Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
252
revue philosophique

présent à l’avenir ; comme les sauvages, ils avaient un sens moral très rudimentaire et très imparfait, pour ne pas dire de plus[1]. »

Maintenant, ces caractères ne sont-ils pas précisément ceux des criminels que nous avons analysés ? Seulement, de même qu’on a constaté ces traits communs, on en a trouvé d’autres très différents. On a aussi remarqué des ressemblances entre certains instincts des criminels et des enfants, mais on ne prétend pas, par là, conclure à l’identité, seulement constater l’existence de ces traits communs qu’on nomme régressifs, parce qu’ils indiquent une étape moins avancée du développement humain. Je crois, du reste, inutile d’insister sur ces ressemblances ; bien des criminels présentent des traits qu’on ne saurait attribuer à l’atavisme, et qui sont vraiment atypiques : c’est pourquoi j’accepte pour ma part cette partie des conclusions de M. Tarde, à savoir que le criminel est « un monstre, et que comme bien des monstres il présente des traits de régression au passé de la race ou de l’espèce ; mais il les combine différemment, et il faudrait se garder de juger nos ancêtres d’après cet échantillon. Le même auteur dit plus loin qu’il « ne conteste pas l’apparition par atavisme, par ricochet héréditaire à grande distance, des caractères, ou de quelques caractères propres au délinquant né ; il faut bien que la vie emprunte quelque part les éléments des monstruosités qui lui échappent, et où le prendrait-elle, si ce n’est dans la mémoire de ses compositions passées, à moins que ce ne soit dans le trésor, rarement ouvert, de son imagination créatrice, ce qu’elle fait quand elle enfante un génie, non quand elle excrète un monstre, un criminel ou un fou ? »

À la question : « ces monstruosités où les prend-elle ? » M. Sergi a répondu sans hésitation : « Dans la vie préhumaine, dans l’animalité inférieure. » Si l’on peut admettre cet atavisme préhumain dans les anomalies morphologiques, pourquoi ne le pourrait-on pas lorsqu’il s’agit des fonctions correspondantes ? Cela donnerait la clef de certains instincts qui rabaissent le type humain au type bestial, et qu’on peut expliquer biologiquement par l’arrêt de développement de ces parties de certains organes qui ont une influence directe sur les fonctions psychiques.

La cause de la brutalité la plus extraordinaire serait ainsi dévoilée par cet atavisme bestial, une hypothèse acceptable uniquement par ceux qui suivent, sans aucune réserve, la théorie de la transformation des espèces. Il n’y a plus à s’étonner alors, en trouvant des criminels dont la férocité aurait dû faire, en tous temps et en tous lieux,

  1. Bagehot, ibidem, p. 123.