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GAROFALO.l’anomalie du criminel

des êtres exceptionnels. Le criminel typique est bien pire que les sauvages les plus mauvais, il a, du moins au moral, des traits régressifs bien plus marqués ; les criminels inférieurs sont, au contraire, à certains égards, plus développés que bien des sauvages.

Le criminel typique serait enfin un monstre dans l’ordre psychique ayant des traits régressifs qui le ramènent à l’animalité inférieure ; les criminels incomplets, inférieurs, auraient une organisation psychique avec des traits d’atavisme qui les rapprochent des sauvages.

VI

Il est temps de nous occuper de ces derniers qui, au physique, aussi bien qu’au moral, sont moins éloignés du commun des hommes. C’est ici que l’on voit se préciser la distinction de deux classes, l’une caractérisée par le manque de bienveillance ou de pitié, l’autre par le manque de probité, distinction correspondante à celle que nous avons faite des délits naturels. Dans la première classe nous trouverons d’abord les auteurs de ces crimes contre les personnes, qu’on pourrait appeler endémiques, c’est-à-dire qui forment la criminalité spéciale d’un pays. Ce sont, par exemple, de nos temps, les vengeances des camorristes à Naples, ou les vengeances des sectes politiques de la Romagne, de l’Irlande, ou de la Russie.

Le milieu a sans doute ici beaucoup d’influence ; ce sont souvent des préjugés d’honneur, de politique ou de religion ; dans quelques pays, c’est le caractère général de la population, l’instinct de la race, ou son degré inférieur de civilisation ou de sensibilité, qui pousse à des actes sanguinaires pour venger des torts même légers. C’est ainsi que, dans quelques contrées du midi de l’Europe, les témoins, même dans un procès civil, risquent leur vie ; et qu’un coup de fusil attend souvent celui qui a supplanté un fermier, ayant proposé au propriétaire des conditions plus avantageuses.

On connaît quelle influence ont eue sur la criminalité, la sorcellerie, les sortilèges, le mal occhio, certaines idées de classe ou de caste sociale, certains raffinements du point d’honneur, certaines croyances superstitieuses. Dans le midi de l’Italie, on croit que le contact sexuel avec une jeune fille procure la guérison de certaines infirmités ; c’est ce qui pousse souvent à des attentats à la pudeur. Dans le bas peuple de Naples s’est enracinée la croyance que les religieux ont le don de prophétie et qu’ils peuvent deviner le numéro gagnant du prochain tirage de la loterie ; on les a enfermés et, par-