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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/270

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virtuosité, de briller par elles. « Dès qu’un névrasthénique moral a reconnu la facilité de profiter de l’inattention des gens, de leur défaut de présence d’esprit, de leur crédulité, de leur timidité, etc., il se dépêchera de s’en servir. Il perfectionnera l’art de s’en servir jusqu’à devenir un comploteur parfait. S’il réussit, il n’a pas seulement le plaisir du résultat matériel, il en ressent aussi les charmes d’une comédie d’intrigues et se croit être d’une intelligence supérieure à celle de ses victimes… Cet entraînement de la virtuosité et de l’art de comploter joue un grand rôle dans la psychologie des voleurs à effraction, des faussaires, des trompeurs, des chevaliers d’industrie et des brigands. »

Cette description met le sceau à la différence entre cette grande classe de criminels et celle qui est caractérisée par le défaut du sentiment de pitié. Il n’y a pas à s’étonner, maintenant, que les voleurs, les faussaires, les escrocs, etc., soient très souvent incapables d’un acte de violence contre les personnes, et que leur répugnance pour toute cruauté les porte à se vanter, dans les prisons, d’avoir été condamnés pour vol, non pour meurtre. On remarque précisément l’inverse chez les criminels de l’autre classe, les grands assassins exceptés, chez lesquels il y a absence de tout sens moral. Un condamné pour meurtre ou blessures, ayant pour mobile la vengeance, la jalousie, l’honneur, par suite d’un tempérament passionné ou d’une excitation alcoolique, etc., déclare dédaigneusement qu’il n’a jamais volé.

Il peut, en effet, posséder le sentiment de probité même à un degré supérieur ; être non seulement fidèle, mais dévoué à ses maîtres, à ses bienfaiteurs ; être tout à fait incapable de la moindre tromperie. Cela prouve que, dans les degrés inférieurs de la criminalité, il ne s’agit plus de l’absence complète du sens moral, mais seulement de l’absence ou de la faiblesse de l’un ou de l’autre des sentiments altruistes élémentaires, la pitié ou la probité.

Résumons-nous : Il existe une classe de criminels qui ont des anomalies psychiques et, très fréquemment, des anomalies anatomiques, non pathologiques, mais ayant un caractère dégénératif ou régressif et quelquefois atypique, dont plusieurs traits prouvent l’arrêt du développement moral, quoique leur faculté d’idéation soit normale ; qui ont certains instincts et certaines convoitises comparables à ceux des sauvages et des enfants ; qui enfin sont dépourvus de tout sentiment altruiste, et partant agissent uniquement sous l’empire de leurs désirs. Ce sont ceux qui commettent des assassinats pour des motifs exclusivement égoïstes, sans aucune influence de préjugés, sans aucune complicité indirecte du milieu social. Leur