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GAROFALO.l’anomalie du criminel

sont quelquefois adonnés au brigandage ; tels sont les Normands au moyen âge, les clans des Highlanders Écossais au siècle dernier. Il ne s’agit plus, alors, de criminalité, mais de la vie prédatrice d’une nation ou d’une tribu à laquelle l’activité pacifique ne peut pas encore convenir. L’idée du crime se rattache toujours à une action nuisible pour la société dont on fait partie ; c’est donc l’acte plus ou moins exceptionnel et blâmable d’un individu ; jamais celui de l’agrégation entière. C’est un point trop évident pour qu’il soit nécessaire d’insister là-dessus.

Dans notre société contemporaine, le penchant au vol est presque toujours accompagné par l’oisiveté et par des désirs dépassant les moyens dont l’individu peut disposer. L’anomalie psychologique de ces criminels a été très bien définie par M. Benedikt comme une « névrasthénie morale combinée à une névrasthénie physique » qui est « congénitale ou acquise dans la première enfance ». L’élément principal est « une aversion au travail qui va jusqu’à la résistance » et qui dérive elle-même de la constitution nerveuse de l’enfant… « Si un individu, dès l’enfance, n’a ni la force de résister aux entraînements instantanés, ni celle d’obéir aux excitations nobles, et principalement si ce combat moral a pour lui la conséquence d’un sentiment pénible, alors il représente un névrasthénique moral. Comme tel, il évitera, avec le temps, tout combat moral, et il pensera, il sentira, il agira sous la pression de cette névrasthénie morale. Il se développera chez lui un système de philosophie et de pratique sur la base de l’aversion pour le combat moral. »

M. Benedikt attribue le vagabondage à la névrasthénie simplement physique, avec le besoin de gagner sa vie. « S’il n’y a pas de complication, le vagabond ne commet jamais, de sa vie, un crime. » Mais, si « la névrasthénie physique est combinée à un vif goût de jouir, il en résulte déjà un désir dangereux de se procurer, d’une manière quelconque, le moyen de satisfaire le goût, et si l’individu est aussi un névrasthénique moral, il ne résistera pas et deviendra criminel dès qu’il n’aura pas les moyens suffisants. Cette combinaison… joue un grand rôle dans la psychologie des voleurs, des faussaires, des imposteurs, des brigands en général, des criminels de profession… Les criminels par névrasthénie calculent d’une manière parfaitement normale les chances de succès de leurs manœuvres. Ils reconnaissent bientôt la supériorité de la force de la société. Mais, comme ils sont incapables d’un travail régulier, ils se contentent de résultats passagers, et, comme tous les hommes, ils ont plus d’espoir de réussir que de chance. » À tout cela s’ajoute le désir de se servir des habiletés qu’on possède, de les développer jusqu’à la