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LE TEMPS ET LA FORCE


I. De la notion du temps[1]


Il y a dans l’idée de temps deux éléments qu’il faut bien séparer, savoir une notion spéciale qui est liée à la forme même de notre esprit et une grandeur, mesurable comme la longueur d’une ligne.

Lorsque l’on considère des corps en mouvement, il y a pour tous ces corps des positions dites simultanées où on les voit à la fois, en même temps ; ce sont là des expressions bien nettes, bien claires et qui n’ont besoin d’aucune explication pour être comprises de tout le monde. Si maintenant on considère les diverses positions d’un même corps en mouvement, ces positions nous apparaissent comme successives, c’est-à-dire comme classées dans un certain ordre qui est l’ordre chronologique : c’est ainsi que, telle position particulière étant donnée, telle autre sera antérieure et telle autre postérieure à cette position particulière. C’est ce double fait de la simultanéité et de la succession qui constitue pour nous la notion même du temps : une propriété fondamentale de cette notion du temps c’est qu’elle donne les mêmes résultats chez tous les hommes, quel que soit leur poste d’observation ; ainsi deux positions de corps en mouvement, simultanées pour un homme, le sont pour tout le monde ; de même tous les hommes classent dans le même ordre de succession les diverses positions d’un mobile. Les animaux mêmes ont à cet égard une notion tout à fait analogue à la nôtre.

Nous avons dit que cette notion est liée à la forme même de notre esprit ; en effet, les positions des corps mobiles se révèlent à nous par

  1. Dans une Étude qui ne peut être lue par les Mathématiciens, nous avons essayé de montrer et de rectifier les erreurs de doctrine qu’on trouve dans la mécanique rationnelle telle qu’elle est comprise de nos jours. Ce sujet nous paraissant devoir intéresser également les philosophes, nous allons le traiter aussi simplement que possible et en vue des personnes qui ne sont pas versées dans les hautes mathématiques. — Voir Étude critique sur la Mécanique, insérée dans le Bulletin de la Société des Sciences de Nancy (Série II, tome VII, fascicule XVIII), chez MM. Berger-Levrault et Cie, 1886.