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CALINON.le temps et la force

absolument dans toutes les équations où figure la force. C’est qu’en réalité la force est, comme la vitesse et l’accélération, une circonstance du mouvement ; il y a entre le mouvement et la force, non pas relation de cause à effet, mais dépendance mutuelle, comme par exemple entre le rayon d’un cercle et sa surface. Habitués à entendre dire que la force est la cause du mouvement, nous ne sentons plus ce que cette locution a d’étrange et d’antiscientifique ; au fond, c’est comme si l’on disait que, dans ce cercle, le rayon est la cause de la surface.

Laissons donc là cette hypothèse de causalité que les fondateurs de la mécanique ont laissée pénétrer dans la science, sans d’ailleurs en faire aucun usage ; en empruntant le mot force à la langue philosophique, ils ont transformé cette notion en une grandeur géométrique, sans s’apercevoir que toutes les idées métaphysiques qui se rattachaient à cette notion leur étaient absolument inutiles.

Voyons maintenant comment en réalité la force devient en mécanique une grandeur dirigée comme la vitesse et l’accélération : au début de la dynamique, les auteurs énoncent quelques lois fondamentales empruntées à l’observation du monde matériel (lois de l’inertie, de l’indépendance, etc.), et ces lois ne sont pas autre chose que des propriétés de la force, propriétés d’où se déduit par le raisonnement pur toute la mécanique. Il ne faut donc pas se dissimuler que ces lois contiennent une véritable définition de la grandeur nouvelle que l’on va étudier, car, définir une chose en mathématiques, c’est énoncer une ou plusieurs propriétés de cette chose, propriétés qui renferment toutes les autres.

Dès lors nous ne voyons pas pourquoi bien des auteurs prétendent qu’on ne définit pas la force ; en réalité, ils n’auraient eu qu’à adopter, par exemple, une rédaction de ce genre :

« La force est une grandeur dirigée qui jouit des propriétés suivantes », après quoi ils auraient énoncé les lois fondamentales empruntées à l’expérience.

Nous ne rappellerons de cette définition que la première loi, dite loi de l’inertie : « Lorsqu’aucune force n’agit sur un point, le point est en repos ou son mouvement est rectiligne et uniforme, c’est-à-dire que son déplacement s’effectue sur une ligne droite et est proportionnel à la durée. »

Cette loi s’appuie sur la mesure du temps et par conséquent soulève les mêmes objections qu’elle. Sans nous étendre davantage sur les autres lois qui forment avec la précédente une définition de la force, mais une définition très complexe, nous allons montrer comment on peut en donner une autre beaucoup plus simple.