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Il y a dans la matière une grandeur d’une importance capitale, c’est la masse ; la masse d’un corps est quelque chose d’absolument indestructible ; quand deux corps se réunissent ou se combinent chimiquement, leurs masses s’ajoutent, de sorte que la somme des masses de toute la matière est dans l’univers une constante ; c’est en cela que consiste le grand principe de la permanence de la matière ; dire qu’on ne peut ni créer ni détruire de la matière, cela veut dire qu’on ne peut en rien modifier la somme des masses existantes. Nous ajouterons que, pour les corps qui nous environnent sur la terre, les masses sont, en un même point de celle-ci, proportionnelles aux poids, ce qui correspond chez nous à une idée très nette. Par exemple, si l’on adopte comme unité de masse la quantité de matière représentée par un kilogramme, un corps de dix kilogrammes aura une masse égale à dix. On conçoit qu’on puisse, par la pensée, amener successivement sur la terre, et en un même point, par petites parties, toute la matière existante ; en pesant ces parties, on aurait leurs masses.

Ceci posé, la masse intervient d’une façon extrêmement remarquable dans une loi que nous avons déjà énoncée à propos de la mesure du temps, la loi sur la direction des accélérations de deux corps en présence : lorsqu’on prend pour mouvement unité la rotation terrestre, avons-nous dit, l’accélération de chacun de ces deux corps passe constamment par l’autre. Or, l’observation montre que, dans les mouvements de ces deux corps, les accélérations sont à chaque instant dans le rapport inverse des masses de ces deux corps. La masse du premier corps, par exemple, est double de celle du second : l’accélération du second est alors double de celle du premier.

En réunissant ces deux énoncés en un seul nous aurons la loi suivante que nous appellerons la loi dynamique de l’univers :

« Quand deux corps sont en présence, ils échangent des accélérations dirigées suivant la droite qui les joint et inversement proportionnelles à leurs masses. »

Le mot échanger n’a, bien entendu, aucun sens métaphysique ; nous nous en servons uniquement pour exprimer d’une façon concise le fait de l’existence simultanée des deux accélérations.

Nous avons à peine besoin d’ajouter que notre loi dynamique est liée au choix de la rotation terrestre comme mesure du temps, puisqu’il y est question d’accélérations qui changeraient de direction et de grandeur si l’on adoptait une autre mesure du temps.

Cette loi exprime l’égalité de deux rapports ; si dans ces deux rapports on égale le produit des extrêmes au produit des moyens