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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Guyau. — L’irréligion de l’avenir, étude de sociologie. Alcan, 1887, XXVIII-479.

Dans un article paru ici même, en juillet dernier[1], nous exprimions le souhait qu’on se mit à étudier la religion comme un phénomène social. Il nous semblait que la plupart des théories en vogue, faisant de la religion un simple événement de la conscience individuelle, en méconnaissaient le caractère essentiel. À notre insu, le même sentiment se trouvait au même moment partagé par plusieurs personnes. Notre article était déjà imprimé, mais non publié, quand parurent dans la Revue philosophique deux intéressants articles de M. Lesbazeilles où la religion était présentée comme un fait éminemment sociologique[2]. C’est une conception du même genre qui sert d’idée directrice au très beau livre que M. Guyau vient de nous donner. Cette convergence toute spontanée de vues et de tendances méritait d’être signalée.

I. — L’ouvrage comprend trois parties : la genèse des religions, la dissolution des religions, l’irréligion de l’avenir.

Les deux théories opposées par lesquelles on a essayé d’expliquer la genèse des religions sont, d’après M. Guyau, également insuffisantes. L’hénothéisme de MM. Max Müller et Hartmann, cette doctrine idéaliste, qui dérive la religion d’un vague sentiment de l’infini et du divin, a le grave défaut de supposer à l’origine de l’évolution des idées modernes. Quant au spiritisme de M. Spencer, c’est un système ingénieux, mais dont l’exiguïté n’est guère proportionnée au phénomène complexe qu’il prétend exprimer. Pourquoi l’homme n’aurait-il pas déifié les phénomènes de la nature tout aussi bien qu’il a immortalisé ses ancêtres ? M. Spencer répond que pour imaginer des esprits dissimulés au sein des objets et des animaux, il faut avoir déjà l’idée d’esprits, et qu’ainsi le naturisme ne peut s’expliquer si le spiritisme ne l’a précédé. Mais un fétiche n’est pas nécessairement un objet où l’adorateur imagine un agent mystérieux ; c’est cet objet tout entier, conçu tel qu’il se présente aux sens, avec les vertus bonnes ou mauvaises qu’y révèle l’expérience ; et le croyant primitif n’éprouve pas

  1. Études récentes de science sociale. Juillet 1886.
  2. Les Bases psychologiques de la religion. Avril et Mai 1886.