à quelles mutations nombreuses et incessantes sont soumises les névroses. C’est l’hérédité qui domine cet état pathologique complexe dont on trouve de très beaux exemples et très démonstratifs dans le remarquable travail de M. Magnan, que M. Dejerine n’a garde de ne pas citer, sur la Coexistence de plusieurs délires d’origine différente chez le même aliéné (in Arch. de neurologie, t. I, 1883).
On peut donc admettre que toutes les affections nerveuses proviennent d’un fonds commun. Mais en quoi consiste cette tare nerveuse héréditaire elle-même ? M. Dejerine se demande, après Arndt, si la cause de la disposition névropathique héréditaire ne consisterait pas dans un arrêt de développement des éléments du système nerveux (cellules ganglionnaires et fibres nerveuses). Par là se trouverait expliquée la manière d’être générale des névropathes (grande excitabilité et tendance à l’épuisement rapide), manière d’être qui se rapproche des états que l’on observe chez les enfants. Aussi bien, la clinique, de son côté, a montré que les affections nerveuses résultent, pour la plupart, d’une déchéance de l’organisme, et tend à les faire dépendre toutes de la plus banale des névroses, la neurasthénie.
M. Dejerine a consacré un paragraphe intéressant à ce dernier état, qui désigne l’épuisement nerveux, ce mot étant entendu dans son sens le plus général et l’épuisement dont il s’agit étant d’ailleurs par lui-même durable, « plus ou moins permanent ». On comprend par suite que cet état protéiforme soit assez difficile à décrire. Tout ce que l’on peut dire, c’est que, quels que soient d’ailleurs les symptômes dominants, cérébraux ou spinaux, la neurasthénie consiste essentiellement en un état d’excitation du système nerveux sensitif, joint à un défaut de résistance : le système nerveux s’épuise aussi facilement qu’il s’excite. De là mille atteintes portées à toutes les fonctions nerveuses. Il se forme alors un terrain particulièrement favorable au développement des maladies mieux déterminées, névropathiques ou même vésaniques.
Mais cette étude de la neurasthénie nous montre un fait encore plus important et très gros de conséquences. Ce trouble spécial du système nerveux peut se produire d’emblée, chez un individu donné, sans tare nerveuse héréditaire, sous l’influence de certaines conditions. C’est que toute cause de débilitation amène l’épuisement nerveux : ainsi l’anémie, l’insuffisance de nourriture, le surmenage physique, les excès sexuels, l’abus des excitants factices (tabac, café, alcool, opium), mais surtout le surmenage intellectuel, l’abus du travail cérébral, les soucis, les inquiétudes, les chagrins. Et cet épuisement nerveux peut donner lieu à la neurasthénie, de telle sorte que M. Dejerine écrit avec raison : « Le fait que la neurasthénie peut se créer de toutes pièces, sans tare héréditaire aucune, dans les circonstances que je viens d’examiner brièvement, est d’une importance considérable, au point de vue de l’étude des maladies nerveuses en général, et en particulier de leur cause originelle. Si avec Morel on considère les maladies mentales et les grandes névroses comme une série d’êtres résultant de parents communs, en état de se multiplier et de se propager, sur le premier échelon de cette série nous trouvons la neurasthénie. Elle est pour Legrand du Saulle le germe