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ANALYSES. — j. dejerine. L’hérédité dans les maladies

des états morbides graves qui éclosent et suivent leur marche, sous l’influence de l’hérédité, dès que ce germe est fécondé par de nouveaux éléments morbides. Cette idée a été reprise depuis et développée par Möbius, à l’aide de tableaux généalogiques dont quelques-uns sont très démonstratifs. Pour Möbius, la neurasthénie est le germe originel d’où dérivent par développement ultérieur l’hystérie, l’hypocondrie, la mélancolie, la manie, l’aliénation, etc. Pour lui, c’est le cercle central des différentes névroses et qui les relie toutes entre elles. Entre la neurasthénie et l’imbécillité se groupent, d’après leur degré de gravité, les névroses et les psychoses qui se combinent entre elles par l’hérédité. Les résultats pourront être différents, suivant la façon dont se comportera cette dernière. Dans la majorité des cas, les formes morbides s’atténuent, l’hérédité est divergente, une partie seulement des parents étant atteinte ; l’affection réapparaît bien chez les descendants, mais elle réapparaît atténuée, par mélange d’un sang normal et sous forme de neurasthénie simple ; et ce n’est que dans les cas d’hérédité convergente pendant deux ou trois générations que l’on voit arriver les formes graves des névroses et, en fin de compte, la dégénérescence mentale et physique, ainsi que l’extinction de la race » (p. 169). M. Dejerine, revenant plus loin sur ces mêmes considérations, s’en est servi comme d’une conclusion dernière : « La tendance actuelle est de voir… dans la neurasthénie le point de départ de toutes les affections du système nerveux, la souche de cette grande famille neuro-pathologique dont les différents membres ont été étudiés, au point de vue généalogique, dans le cours de ce travail.

« C’est la neurasthénie qui la crée et l’entretient tout à la fois. Elle la crée en vertu des lois de l’hérédité, dont les effets cumulatifs, s’exerçant à travers plusieurs générations, se traduisent sur les descendants des neurasthéniques par des formes morbides de plus en plus graves, amenant à leur suite la dégénérescence physique et mentale, ainsi que l’extinction de la race. Elle l’entretient, car pouvant se développer de toutes pièces chez un sujet sans tare héréditaire, elle est par conséquent la seule des affections du système nerveux qui ne reconnaisse pas toujours l’hérédité pour cause, qui puisse s’acquérir sous l’influence de certaines circonstances données, sans prédisposition antérieure aucune. C’est la neurasthénie qui, fournissant sans cesse de nouveaux aliments à la grande famille neuro-pathologique, s’oppose à l’extinction de cette dernière, par les lois fatales de l’hérédité convergente, combinée avec les états de dégénérescence » (p. 266). Ainsi se trouve résolue l’importante question de savoir, l’hérédité étant établie comme cause de la plupart des affections du système nerveux, quelle est la cause première et originelle de cette formation héréditaire elle-même. À l’influence de la neurasthénie, il faut ajouter d’ailleurs, pour un certain nombre de cas, ainsi que l’indique M. Dejerine, celle de diverses autres causes : différentes intoxications (alcoolisme, saturnisme), l’état mental momentané des parents, les troubles de nutrition chez la mère, certains traumatismes céphaliques, et même certaines maladies générales (arthritisme, par exemple).

Telles sont les idées générales sous l’empire desquelles il paraît bien que