Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
320
revue philosophique

La première partie du livre est consacrée aux erreurs qui proviennent de la mauvaise direction d’un esprit sain ; qui sont engendrées par des observations mal faites, des raisonnements défectueux, des habitudes d’esprit vicieuses. L’homme prend souvent des coïncidences fortuites pour l’expression d’une loi invariable : si par exemple une affaire commencée dans des conditions particulières réussit mal, on est porté à croire que ces conditions, même les plus insignifiantes, exercent une influence sur le sort de l’affaire ; un malade qui guérit après un vœu, attribue à ce vœu sa guérison. Les erreurs de ce genre sont innombrables ; les généralisations défectueuses peuvent s’observer à chaque instant ; différentes circonstances d’ailleurs peuvent favoriser la naissance elle développement des superstitions : les "émotions, le plus ou moins de facilité ou de difficulté des observations, l’habitude de l’observation, la tendance à croire à la tradition, même le langage et le mauvais emploi des mots, enfin l’activité déréglée de l’imagination. Un bon exemple de ces phénomènes est la croyance aux esprits déterminée par l’apparition en rêve de personnes mortes et par le changement même que le rêve apporte aux circonstances de temps et de lieu dont l’esprit semble indépendant. Toutes ces causes d’erreur, l’auteur les examine tour à tour et en détail.

La deuxième partie traite de l’influence des maladies de l’esprit, les difformités mentales, les illusions, les hallucinations, la folie, etc, Certaines névroses paraissent jouer un rôle particulier dans la production des croyances surnaturelles. « Le tempérament épileptique, dit l’auteur, par lui-même, et abstraction faite des accidents convulsifs ordinaires, semble tout à fait favorable à l’enthousiasme extrême (allabsorbing) dans lequel l’esprit, élevé au-dessus de lui-même en une sorte d’extase ou d’exaltation de toutes ses énergies, prend l’opinion d’une pénétration, d’une persuasion divine » (p. 77). Partout et dans tous les temps d’ailleurs, c’est là un fait d’une importance capitale, les états, anormaux ou morbides du système nerveux, ont passé pour des moyens de communication avec des êtres surnaturels. Les maladies ou les états particuliers du système nerveux, qui produisent cette sorte d’état psychique situé sur la zone frontière de la folie, ont été très féconds en miracles et en faits surnaturels de toute sorte. L’influence des hallucinations et des illusions est indiscutable et aussi facile à comprendre que celle des rêves.

La troisième partie de l’ouvrage de M. Maudsley s’occupe des tentatives faites pour atteindre un savoir surnaturel au moyen d’une illumination divine. L’auteur y étudie successivement l’intuition extatique, l’extase émotionnelle, l’intuition du cœur, l’illuminisme théologique, etc. Toutes les manières de se procurer des connaissances supérieures par l’intuition et sans l’aide de l’expérience sont examinées et critiquées. L’auteur remarque justement que la diversité des résultats donnés par la méthode intuitive, « cette méthode de sûreté absolue », selon les esprits qui l’ont employée, est bien faite pour nous laisser dans une