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trine. Mais l’autorité de Kant, si grande qu’elle soit encore chez nos voisins, ne peut rien contre le cours de l’histoire, et les livres des écoles protestantes d’Allemagne ne sauraient avoir chez nous aucun retentissement. Si leur intérêt théologique est épuisé pour nous, ils prennent du moins un intérêt au point de vue de l’éthologie d’un autre groupe d’hommes, et nous pouvons juger aussi qu’ils sont l’expression très particulière d’un besoin politique plus considérable.

Lucien Arréat.

Otto Caspari. — Drei Essays ceber Grund und Lebensfragen der philosophischen Wissenschaft. — Heidelberg, C. Burow, 1886, xi-98 p. in-8o.

Le premier de ces Essais porte en titre : Le détrônement prétendu de la philosophie par la science de la nature. M. Caspari s’y occupe d’assigner à la philosophie son rang dans nos connaissances. Je renvoie, pour ne pas tomber dans les redites, aux remarques que j’ai déjà faites sur ce point en un compte rendu des Essais de Wundt (nº de juillet dernier de la Revue philos.), dont l’honorable professeur de philosophie de l’université de Heidelberg invoque précisément ici la grande autorité.

M. Caspari est de ceux qui retournent à Kant, et il attribue à la philosophie la difficile tâche de trouver un principe général et nécessaire, un principe a priori, qu’elle puisse pourtant, en restant d’accord avec les sciences particulières, éprouver par le moyen des données expérimentales de ces sciences mêmes. C’est là un projet dont l’expression, à mon sens, demeure obscure, et l’auteur ne réussit peut-être pas tout à fait à l’éclaircir dans la suite de son travail.

M. Caspari traite, en son deuxième Essai, du problème de la téléologie au point de vue du criticisme. Il signale le double écueil où s’achoppent, et les finalistes idéalistes, qui ont voulu voir la finalité où on ne l’aperçoit pas, et les empiriques, lesquels s’en tiennent à la nécessité logique et dénient à la raison ses propres buts. Il reprend la fameuse distinction de l’entendement d’avec la raison, proposée par Kant, et il estime qu’elle permet de laisser à l’individuel son importance, tandis que la finalité générale aurait la valeur d’un postulat donné dans la conscience. Sa préoccupation constante est, en effet, de sauver la liberté, c’est-à-dire l’individuel, le qualitatif, ou ce qui apparaît incommensurable dans les phénomènes, et de sortir de la prison du chiffre, de l’évaluation quantitative, ou en un mot de la métaphysique mathématique dans laquelle il reproche aux positivistes de nous avoir confinés. La dispute pendante revient à se demander, selon la langue de l’auteur, s’il y a des jugements synthétiques à priori et quels ils sont. Il traite cette question en son troisième Essai, en la rapportant : 1o au problème de l’intuition pure ; 2o à la théorie du schématisme de Kant.

M. Caspari condamne également la pure métaphysique, celle des monistes, par exemple, qui cachent l’individuel sous le nuage de l’inconscient ou de telle autre représentation, et celle des purs mathématiciens, tels que Comte, qui ne nous offrent que de fausses synthèses à priori et des constructions imaginées. Quant aux empiriques étroits, ils sont toujours dans l’impuis-