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SOCIÉTÉ DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE


UNE EXPÉRIENCE SUR LE SENS MUSCULAIRE[1]

La question du sens ou de la sensibilité musculaire est une de celles qui divisent encore les physiologistes. Son importance pour la psychologie m’engage à communiquer à la Société de psychologie physiologique une expérience que j’ai faite récemment sur ce sujet.

On sait que certains auteurs attribuent la sensibilité dite musculaire aux muscles eux-mêmes, tandis que d’autres auteurs l’attribuent aux parties voisines et spécialement à la peau.

Il m’a semblé qu’il y avait un organe qui se prêtait admirablement à la solution de cette question, c’est le larynx. Les mouvements des cordes vocales dans le chant se font remarquer par leur délicatesse et leur précision, et des différences de tension de ces cordes se chiffrant par des fractions de millimètre suffisent pour influencer d’une façon notable la justesse du son. Pour savoir quelle part revient aux muscles et à la muqueuse dans la tension des cordes vocales, je n’aurai qu’à paralyser, par un moyen quelconque, la sensibilité de la muqueuse et à voir alors ce que devient la justesse de la voix.

Si la voix reste juste, c’est que la sensibilité de la muqueuse ne règle pas les différences de tension des cordes vocales ; ces différences ne peuvent alors être réglées que par les muscles de ces cordes ; conséquence : la sensibilité musculaire existe.

Si la voix devient fausse par l’abolition de la sensibilité de la muqueuse, c’est la sensibilité de la muqueuse qui intervient ; il n’y a pas de véritable sensibilité musculaire ; le sens musculaire n’existe pas.

Enfin il pourrait se faire que la voix, sans être tout à fait fausse, présentât une certaine altération, plus ou moins marquée, dans sa justesse ; dans ce cas, il y aurait à la fois, dans la graduation de la tension des cordes, intervention de la sensibilité de la muqueuse et intervention de la sensibilité musculaire.

Quant au moyen de paralyser la sensibilité de la muqueuse laryngée, rien de plus facile aujourd’hui avec la cocaïne.

Tel est le principe de l’expérience que je désirais faire depuis longtemps et pour laquelle, jusqu’à présent, l’occasion m’avait manqué. Il fallait en effet trouver un chanteur exercé, familier avec les manœuvres

  1. Séance du 31 janvier 1887. M. Charcot, président.