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société de psychologie physiologique

laryngoscopiques, assez intelligent pour bien analyser ses sensations et pour saisir la portée de l’expérience, et qui consentît à se prêter à un essai toujours un peu désagréable. Grâce à l’obligeance du Dr Baratoux, j’ai pu mettre la main sur un sujet convenable, et ce sont les résultats de l’expérience que je viens communiquer à la Société.

L’expérience a été faite le 24 décembre dernier.

Le sujet (un ténor) chante d’abord, sans accompagnement, un air assez long, de difficulté moyenne ; l’émission du son est très bonne, la voix juste, bien timbrée.

On applique ensuite sur les cordes vocales avec un pinceau une solution de cocaïne au quinzième.

Le sujet chante alors le même air, d’abord trois minutes, puis huit minutes après l’application de la cocaïne ; le chant est moins satisfaisant que tout à l’heure ; le timbre est moins velouté, le son moins pur ; mais la justesse de la voix est la même, sauf deux ou trois chats. L’examen laryngoscopique, fait après la deuxième répétition de l’air, montre quelques mucosités sur les cordes vocales inférieures dont les bords sont pâlis.

Quand l’action de la cocaïne est épuisée, on fait une nouvelle application, mais cette fois avec une solution au dixième ; cette solution est plus forte que celle qu’on emploie d’ordinaire pour le larynx. Les lèvres de la glotte pâlissent ; il y a donc contraction des petits vaisseaux de la muqueuse.

Le sujet recommence le même air, d’abord trois minutes, puis six minutes après l’application. Le résultat est le même que tout à l’heure, un peu plus accentué peut-être, mais toujours plutôt au point de vue de la douceur du timbre et de la pureté du son qu’au point de vue de la justesse.

Je lui fais exécuter des vocalises. Il les exécute facilement, sauf par instants où la voix sort mal ; il y a par-ci par-là un petit accroc.

Il soutient facilement une note juste pendant vingt secondes, le même temps que dans les conditions normales.

Je lui demande un trille. Il y a longtemps, me dit-il, qu’il ne s’y est exercé ; le premier est mal réussi ; le second est bon.

L’examen laryngoscopique fait à ce moment montre les bords de la glotte pâlis ; le reste de la muqueuse est un peu rouge ; pas de mucosités. La glotte et la face postérieure de l’épiglotte ne sont pas sensibles au contact.

En comparant avec le la du diapason, la voix est restée dans le ton tout le temps de l’expérience.

En résumé : la paralysie de la sensibilité de la muqueuse des cordes vocales n’a pas altéré la justesse de la voix d’une façon sensible, tandis qu’au contraire la pureté et le timbre du son l’ont été d’une façon appréciable. Cette expérience, me semble-t-il, autorise donc à conclure que, dans la tension des cordes vocales qui détermine la justesse du son, c’est la sensibilité musculaire qui joue le rôle essentiel, et que la sensibilité de la muqueuse n’intervient, si même elle y intervient, que