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société de psychologie physiologique

des contacts en isonome et en hétéronome. Je le pince, je le pique ; je constate qu’il est insensible.

Je lui lis le récit des diverses expériences que j’ai faites sur Benoît, en le priant de rectifier les erreurs, s’il s’aperçoit que je me suis trompé dans la rédaction. Il a perdu complètement le souvenir de quelques-unes et regrette de ne point y avoir assisté ; il en trouve de très curieuses. « Ce Benoît, dit-il, est décidément un sujet merveilleux. »

Pour d’autres, il se rappelle soit les avoir vues, soit avoir entendu Benoît nous faire part de ses impressions.

Je l’endors par l’imposition de la main droite et lui demande son nom ; il me répond Benoît ; je le réveille, il est redevenu Henri. J’essaye de détruire la suggestion en plaçant ma main en hétéronome sur la nuque ; mais je n’obtiens aucun résultat.

Je lui fais écrire une phrase quelconque, et son écriture a le même caractère que celle de mon fils, ce qui n’a pas lieu à l’état normal et bien qu’il ne la connaisse pas ou ne l’ait vue qu’il y a longtemps et par hasard. Je lui donne ensuite diverses personnalités et le fais écrire dans chaque cas ; j’obtiens ainsi une série d’écritures de caractère différent.

Nous passons dans une pièce voisine, où ma famille est réunie, et, contrairement à la lettre de la suggestion, sa personnalité nouvelle persiste. Il s’assied près du feu, cause avec sa maman, avec sa sœur, avec son petit frère Louis en les tutoyant comme le fait mon fils.

S’apercevant que je suis debout, il se lève, et, m’offrant son siège : « Je te demande bien pardon, papa. »

Je le prie de m’accompagner dans une course ; il pense à son livre et va pour le fermer dans la bibliothèque, de peur que son frère Charles (un autre de mes fils), qui est très étourdi, ne le lui égare. Comme il pleut, je lui offre un parapluie.

Dès que nous avons franchi le seuil de la maison, il reprend son individualité et m’appelle « mon commandant », il a passé sa journée au bureau et ce n’est plus M., mais Mlle X…, qui lui a prêté le livre.

Le vendredi, à 5 heures 1/2, Benoît entre sans sonner comme la veille, se rend directement à ma chambre, s’assied devant la table de mon fils et se met à lire. Je n’étais point encore rentré ; un de mes enfants qui l’a entendu venir s’approche de lui et entame la conversation. Il trouve qu’il fait froid (la température était cependant très douce) ; on l’invite à venir se chauffer dans une chambre voisine où l’on allume du feu ; il parle aux uns et aux autres sans embarras.

J’arrive et je lui demande ce qu’il a fait du parapluie qu’il a emporté la veille ; il se souvient bien qu’il l’a pris, mais il a complètement oublié ce qu’il a pu en faire. Je le prie de me donner l’emploi de sa journée et de me dire où en sont ses études ; il parait embarrassé, cherche, et finit par me répondre qu’il a la tête lourde, qu’il ne se rappelle rien ; j’insiste et ne peux rien obtenir pour le temps qui s’est écoulé depuis son départ la veille. Il s’inquiète de cet état, qui ne lui est pas habi-