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FONSEGRIVE.conséquences sociales du libre arbitre

sans cette sécurité, sans cette liberté, sans cette propriété, le libre arbitre de chacun serait amoindri et dès lors le pouvoir moral. Elle a donc le droit d’assurer sa conservation et sa défense par des lois. En conséquence, elle a le droit d’édicter des lois militaires, des lois de finances, des lois civiles et politiques, des lois pénales. Puisque la société n’est qu’un moyen dont l’ordre moral est la fin dernière et la protection du libre arbitre individuel la fin prochaine, il s’ensuit que toutes les lois doivent tendre à favoriser le plus possible le libre développement de l’individu. L’idéal social est d’accorder à chaque citoyen le maximum de sécurité en lui demandant le minimum de sacrifices. Mais comment cela peut-il se réaliser ? Le citoyen a-t-il le droit imprescriptible de contribuer à la confection des lois de voter l’impôt ? La réponse semble aisée. C’est l’utilité sociale qui la fournit. Les lois sont-elles mieux faites, le service militaire plus assuré, l’impôt mieux choisi et plus équitablement réparti si tous les citoyens participent à la confection des lois, il faut qu’ils y prennent part ; dans le cas contraire, ils n’y ont pas droit. Et c’est bien ainsi qu’en jugent nos lois. Si le droit de vote était imprescriptible, il faudrait déclarer nos lois injustes, puisqu’elles le refusent aux femmes. Dire avec quelques publicistes qu’on est obligé seulement par les lois qu’on a votées soi-même ou par ses représentants, c’est, ou bien avancer une doctrine flatteuse, mais qui ne s’appuie sur rien, ou soutenir le droit absolu du libre arbitre au respect. Nous avons montré plus haut le peu de consistance de cette théorie. Dans tous les cas, c’est soutenir une doctrine qui, poussée à ses conséquences, constituerait une anarchie juridique : car les femmes pourraient désobéir à toutes les lois, les fils aux lois votées par leurs pères et les minorités aux lois qu’elles n’ont point consenties. — Nous admettons donc celle conséquence que si la science arrivait à déterminer les lois sociales, la fonction législative appartiendrait de plein droit aux savants en possession de ces lois et nous aboutissons, semble-t-il, au résultat même où était arrivé le déterminisme intellectualiste. Il y a pourtant entre les déterministes et les partisans du libre arbitre cette différence importante que, tandis que le déterministe croit à l’inflexible rigidité des lois scientifiques, le partisan du libre arbitre ne peut admettre la certitude infaillible des lois sociales, puisque le libre arbitre des citoyens peut à chaque instant les démentir. Par suite le savant perd son droit absolu à légiférer ; il est toujours raisonnable de faire appel au bon sens public et par suite d’accorder au peuple le droit de suffrage.

La raison du droit social se trouvant dans la protection des citoyens les uns vis-à-vis des autres, la société a le droit d’interdire