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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/392

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porté sur l’existence d’une représentation ayant en elle une marque qui permit de la saisir en la distinguant de toutes les autres. Arcésilas avait soutenu que le critérium donné par les Stoïciens était tout à fait insuffisant. Carnéade essaya, nous dit Sextus, de montrer l’impossibilité de la science en général, et combattit non seulement les Stoïciens, mais encore tous les autres philosophes[1]. En réalité, ses attaques s’adressent presque toujours aux théories stoïciennes, devenues prépondérantes depuis que Chrysippe les avait développées avec tant de subtilité et de vigueur.

Carnéade commençait par affirmer qu’il n’y a aucune de nos facultés de connaissance qui ne nous trompe quelquefois ; ni la raison (λόγος), ni la sensation (αἴσθησις), ni la représentation (φαντασία), ni quelque faculté que ce soit n’est le critérium de la vérité, car tous ces moyens de connaissance nous trompent. En second lieu, Carnéade soutenait que, y eût-il un critérium de ce genre, ce critérium ne pourrait être indépendant de l’affection de l’âme qui naît de l’évidence venant de l’objet. C’est par la faculté de sentir (αἰσθητικῇ δυνάμει) que l’être vivant se distingue des êtres inanimés ; c’est par elle qu’il saisira donc et lui-même et les objets extérieurs. Or, un sens qui demeure sans mouvement (ἀκίνητος), sans affection (ἀπαθὴς), sans changement (ἄτρεππος), n’est pas un sens et ne saisit rien. S’il change, s’il est affecté par l’incursion des choses évidentes, il nous fait connaître les objets extérieurs. Donc, concluait Carnéade, c’est dans l’affection de l’âme qui naît de l’évidence de l’objet, qu’il faut chercher le critérium de la vérité. Or, cette affection qui doit faire connaître et elle-même et l’objet qui l’a fait apparaître, n’est autre chose que la représentation (φαντασία). Ainsi Carnéade, après avoir proclamé l’impossibilité pour toutes nos facultés de connaître la vérité, se trouve, en considérant la représentation comme la source de toutes nos connaissances et en montrant qu’elle ne saurait être le critérium de la vérité, avoir atteint du même coup un résultat analogue en ce qui concerne les autres facultés. Nous n’avons pas à examiner la valeur de cette réduction ; il nous suffit de remarquer que c’était justement là le point de vue auquel se plaçaient les Stoïciens. Carnéade ne fait donc que suivre Arcésilas ; mais, en ramenant à la représentation tous les modes de connaissance, il donne à l’argumentation employée par son prédécesseur contre les Stoïciens une portée plus générale, et peut par cela même être considéré comme ayant combattu tous les philosophes qui admettaient un critérium de la vérité.

  1. Sextus, Math., VII, 159.