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REVUE GÉNÉRALE.marillier. La suggestion mentale, etc.

longtemps analysés que par l’intensité. De même qu’il existe tous les états intermédiaires entre la simple image mentale et l’hallucination complète, de même on peut passer par des transitions insensibles de la grossièreté habituelle de nos sens à l’extrême finesse d’ouïe ou d’odorat qui caractérise certains hypnotisés. On entrait au contraire avec les actions mentales directes dans un domaine nouveau, si nouveau même que des esprits très scientifiques étaient en droit de se demander si l’hypothèse que l’on faisait n’était pas contraire à toutes les lois physiques et psychiques que nous tenons pour démontrées et si ce n’était pas entraîné par une très fausse analogie qu’on se laissait aller à croire que parce que des sujets étaient sensibles à des excitations sensorielles infiniment faibles, ils le seraient aussi à l’action directe d’un organisme voisin sur leurs centres nerveux. On pouvait dire que rien ne nous permettait de supposer qu’une telle action fût possible et qu’il nous était même fort difficile de la concevoir. Mais c’était précisément le côté mystérieux du problème qui devait attirer l’intérêt d’un grand nombre de chercheurs.

Le goût du mystère ne nous a pas passé, malgré la forte éducation scientifique que nous avons tous reçue ; nous ne croyons plus aux miracles, mais nous avons un besoin de merveilleux, qui veut se satisfaire, bon gré mal gré, et qui y réussit comme il peut. C’est une chose frappante que cette renaissance des préoccupations religieuses à la fin de notre siècle ; beaucoup d’hommes qui se sont détachés des religions positives ont conservé, tout au fond d’eux-mêmes et sans qu’ils s’en doutent, des instincts religieux puissants : ils ont, sans le savoir, soif de mysticisme. Se contenter de l’adoration muette d’un Inconnaissable inaccessible, d’une Nature, d’un Infini qui se cachent derrière les phénomènes ne leur est guère possible. Mais ils sont de leur temps ; ce qu’il leur faut ce sont des faits, et leur religion sera fondée sur l’expérience comme leur science. La religion vit de mystère, et rien n’est plus mystérieux que ces phénomènes que nous comprenons mal, qui fuient devant nous. Mais le mystère n’a d’attrait pour nous que s’il est à demi dévoilé : de là cette étude passionnée du problème, étude qui, en Angleterre surtout, a incontestablement une couleur religieuse.

D’autre part, il est certain que nos théories ne valent que par les faits qu’elles résument et généralisent, qu’à des faits nouveaux, il faut des théories nouvelles, et que c’est sottise de se mettre en travers de chaque découverte, en prétendant qu’elle va bouleverser la science : aussi est-il fort naturel qu’un certain nombre de psychologues et de physiologistes se soient appliqués à l’étude systématique de phénomènes dont beaucoup de gens parlaient, mais que bien peu semblaient avoir sérieusement étudiés.

Sous une forme ou une autre, il est souvent question de la suggestion mentale dans les livres des anciens magnétiseurs. Un grand nombre de faits qui s’y rapportent ont été cités en ce siècle par des médecins, quelques-uns par des psychologues. Elle a été ces années