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soin que nous y avons mis, nous ayons réussi à écarter toutes les causes d’erreur : il est bien difficile de se placer dans des conditions expérimentales assez rigoureuses pour que l’on puisse affirmer que la suggestion mentale est la seule interprétation légitime des phénomènes que l’on a observés. Les expériences les plus systématiques qui aient été faites sur ce point sont certainement celles qui ont été instituées par les membres de la Society for psychical research. Elles ont été faites sur des sujets endormis et sur des personnes éveillées : le résultat a été à peu près le même dans les deux cas[1]. Deux séries d’expériences sur le tact ont donné avec un sujet magnétisé 20 succès sur 24 expériences. Le sujet était assis, les yeux bandés, et l’expérimentateur se tenait derrière lui. Quatre expériences sur le goût n’ont donné en somme que des résultats négatifs. Dans une autre série de 32 expériences sur le goût, on obtient 12 succès, mais il convient de tenir compte ici des sensations olfactives. Les sujets étaient éveillés et avaient les yeux bandés. Voici encore quelques chiffres, les expériences sont faites sur des sujets éveillés : Goût et odeurs, 94 expériences, 42 succès ; 2e série, 6 expériences, 1 succès ; 3e série, 18 expériences, 4 succès. Douleurs : 52 expériences, 32 succès ; 2e série, 21 expériences, 6 succès ; 3e série ; 36 expériences, 16 succès. Nous ne parlons pas ici des expériences faites sur les images visuelles, elles se confondent presque avec celles que l’on a instituées sur la transmission des idées. Là encore, ce sont les travaux de la Society for psychical research qui ont donné les résultats de beaucoup les plus intéressants[2]. Un très grand nombre d’expériences ont été faites : elles consistent à faire reproduire au sujet sans qu’il puisse le voir (les sujets sont éveillés) un dessin que trace au moment même l’expérimentateur, à lui faire deviner une carte, un nombre, un nom, un objet quelconque. Nous ne pouvons les citer ici ; leur description peut remplir dès maintenant tout un volume. Disons seulement que la proportion des succès est très considérable : sur une série de 478 cas, nous relevons 181 succès. Ce sont certainement, parmi tous les faits que l’on a allégués pour prouver la réalité d’une action mentale directe, ceux qui semblent le mieux l’établir. Mais là encore nous ferons des réserves. Aucun des faits recueillis par M. Ochorowicz n’offre aussi peu de prise à la critique que ceux-là. Les expérimentateurs sont des hommes de bonne foi et des hommes de science, ils se sont placés dans des conditions en apparence irréprochables et il m’est presque impossible de dire nettement ce qui empêche leurs expériences d’être absolument convaincantes, de prouver ce qu’elles veulent prouver. La vérité, c’est qu’un phénomène ne peut prendre définitivement place dans la science que lorsque les conditions où il se produit ont été complètement déterminées : nous ne sommes en droit d’affirmer qu’un phénomène est cause d’un autre phénomène que lorsque nous sommes

  1. Society for psych. res. Proceedings, t.  I, p. 225-228 ; t.  II, pp. 3-4, 17-19, 205206 ; t.  III, pp. 421-452
  2. Ibid., I, 13-65, 70-98, 161-216, 263-281 ; II, 1-12, 24-12, 189-200 ; III, 424-452.