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REVUE GÉNÉRALE.marillier. La suggestion mentale, etc.

C’est donc sur l’étude des hallucinations que toute l’attention doit se concentrer. Les hallucinations qui se produisent dans un état intermédiaire entre le sommeil et la veille présentent un très grand intérêt, et, mettant de côté pour un instant le point de vue où se sont placés MM. Gurney et Myers, je pense qu’il y aura un véritable profit pour tout psychologue à étudier avec attention les cas très intéressants qu’ils ont recueillis : ce sont des documents précieux pour l’étude des rapports du rêve et de l’hallucination. Il serait tout à fait inexact de les confondre avec les rêves, elles en sont au point de vue psychologique réellement distinctes : mais elles ont moins de netteté d’ordinaire que les hallucinations de la veille, il est plus facile de les distinguer des perceptions. Elles sont aussi plus fréquentes.

Au moment où l’on s’endort comme à celui où l’on s’éveille, l’esprit n’a pas la clarté, la pleine possession de soi qu’il peut avoir lorsque pendant la journée on vaque à ses affaires, aussi est-ce aux hallucinations de la veille qu’il faut surtout s’attacher. M. Gurney indique les analogies qui existent entre les hallucinations subjectives et celles qu’il appelle « télépathiques » et aussi les différences qui les séparent d’après lui[1]. Il est assez souvent difficile de savoir si l’on a affaire à une hallucination télépathique ou à une hallucination subjective, spécialement dans le cas où l’anxiété, la terreur ou l’attente entrent en jeu : aussi a-t-on pris soin d’écarter autant que possible les cas où ces causes avaient pu agir. Il arrive souvent que comme toutes les autres, les hallucinations télépathiques se développent graduellement : tantôt une personne apparaît que l’on ne reconnaît que plus tard, tantôt c’est une forme qui ne se précise que peu à peu, tantôt une scène tout entière dont des diverses phases se déroulent successivement : c’est du reste presque toujours une scène à un personnage. La part du sujet dans les hallucinations télépathiques est très considérable : il y met beaucoup du sien, semble-t-il, et souvent l’action qui s’exerce sur lui n’est que le point de départ d’une hallucination subjective où à vrai dire l’agent n’est pour rien : c’est ainsi que s’expliquent les apparitions des mourants. Ils n’avaient très probablement pas dans l’esprit l’image de leur corps, mais l’action qu’ils ont exercée sur l’esprit de leurs amis leur a suggéré cette image, qui s’est objectivée alors en une hallucination. L’action télépathique ne consisterait donc alors qu’à obliger en quelque sorte la personne sur laquelle elle s’exerce à éprouver une hallucination, hallucination qui soit liée à la personne de l’agent. La mémoire et l’imagination font le reste. Tel n’est pas toujours le cas du reste, et parfois il semble bien que des détails de costumes par exemple, tout à fait ignorés de la personne qui a éprouvé l’hallucination, aient été perçus par elle. Cela tiendrait aux images qui existent alors, sans qu’il en ait conscience, dans l’esprit de l’agent. Les différences principales qui séparent ces hallucinations des hallucinations

  1. Nous ne faisons ici que résumer les idées de l’auteur.