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ANALYSES.travers smith. Man’s knowledge..

soit qu’une collection d’états de conscience ; il n’est pas vrai que la personnalité se résolve en une multiplicité d’éléments ou de forces : elle est au-dessus et en dehors de tout cela qui est de nous, qui est à nous, mais qui n’est pas nous. Les autres hommes sont des personnes au même titre ; nous sentons fort bien que nos semblables ne sont essentiellement ni leurs gestes, ni leur physionomie, ni leurs souvenirs, ni leurs pensées particulières et successives ; nous cherchons et nous affirmons, par delà ce voile de phénomènes organiques et psychiques, l’unité vivante, le point irréductible, la monade qui organise, subordonne, explique cette pluralité de manifestations, et fait que chaque homme est lui-même, et non pas son voisin.

La nature ne nous offre rien d’analogue ; la personnalité fait qu’aucune commune mesure n’existe entre l’homme et les êtres qui l’entourent. Et la nature ne saurait non plus rendre compte de la personnalité. S’il est illogique de faire sortir par évolution la conscience de l’inconscient, il l’est plus encore de faire sortir la personnalité de ce qui ne la contient pas. Car on peut imaginer tous les degrés dans la conscience, et le premier terme étant donné n’importe comment, il est à la rigueur concevable que, par addition successive de cet élément primordial à lui-même, la conscience se soit élevée de la sensation la plus indigente et la plus obscure à la richesse et à l’intensité de vie psychique que semblent manifester les animaux supérieurs. Mais la personnalité, l’auteur croit l’avoir montré, est au-dessus de la conscience même, et inexplicable par elle. D’où la conséquence qu’un univers où la personnalité existe, a nécessairement pour cause une personnalité suprême.

Le sentiment religieux ne s’adresse d’ailleurs qu’à une personne. Ni l’inconnaissable, ni les lois de la nature, ni la vie universelle n’ont été et ne seront jamais objet d’adoration, d’espérance, d’amour. La prière monte, d’un élan irrésistible, vers un Dieu semblable à nous, quoique parfait. Notre personnalité même, qui n’a pas ses racines dans le monde physique, ne peut recevoir son être mystérieux, incessamment renouvelé, que de la personnalité divine. — Anthropomorphisme, ou illusions mystiques, dira-t-on. — L’auteur répond que l’anthropomorphisme consiste à prêter à Dieu les imperfections humaines, non à affirmer entre lui et sa créature, la personne humaine, de nécessaires analogies. Quant aux illusions mystiques, la question est de savoir si des illusions pourraient indéfiniment abuser le genre humain. Tout besoin permanent, essentiel de notre constitution, prouve l’existence de l’objet qui doit le satisfaire. L’évolutionnisme lui-même ne peut se refuser à accepter ce principe qui n’est, sous une autre forme, que la grande loi d’adaptation. Si l’homme est religieux, c’est en vertu d’une évolution dont il faut rendre compte. Ce ne sont pas ses origines matérielles, physiologiques, animales, qui peuvent expliquer ce fait. Aura-t-on recours aux conceptions primitives, filles naturelles de l’ignorance, d’où seraient sortis d’abord la croyance aux esprits des morts, puis le polythéisme, puis le dogme plus raffiné et plus philosophique d’un esprit suprême ? Mais le progrès de la science, en dissipant les fantômes nés du cerveau inculte des premiers hommes, aurait dû balayer depuis longtemps et les religions, et les systèmes qui maintiennent l’existence d’un dieu personnel ; les besoins