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ANALYSES.travers smith. Man’s knowledge..

nalité divine. Dans le premier cas, la personnalité humaine étant absolument la plus haute perfection, deviendra naturellement l’objet de tous ces besoins religieux qui existent, jusqu’à nouvel ordre, au cœur de l’homme. Chacun sera à soi-même son propre Dieu ; ou, si la chose paraît excessive, prendra pour divinité une ou plusieurs des personnes humaines qui auront manifesté à un degré éminent la science, la vertu, la sainteté. Cette doctrine a pour elle le patronage de quelques penseurs ; mais il ne semble pas qu’elle soit en train de conquérir beaucoup d’adhésions. Les âmes religieuses qu’elle ne séduit pas n’ont donc d’autre ressource que d’adorer un Dieu personnel, si vieillis que soient, paraît-il, et le mot et l’idée : c’est ce qu’elles font.

Je sais bien que notre alternative n’est pas acceptée par tous. Il en est qui prétendent trouver dans l’univers un objet adéquat d’adoration et d’amour. Mais celles-là ne peuvent, selon moi, se satisfaire qu’à la condition de ne pas approfondir leur croyance et de rester dans le vague demi-jour d’un sentimentalisme qui se croit scientifique. L’univers, si vivant et si pénétré de conscience diffuse qu’il soit aux yeux de la poésie, n’est de plus en plus, à ceux de la science, qu’un théorème glacé, un mécanisme qui s’ignore et où il n’y a de pensée véritable que celle du savant même qui en démonte les rouages. J’imagine que, chez le savant de l’avenir, ira grandissant le mépris de la nature. Un Dieu, l’univers, qui livre ses secrets dans un laboratoire ou les inscrit avec obéissance sur les plaques photographiques de l’astronome ! Un Dieu qui s’explique et se traduit en formules, et dont, demain peut-être, on prédira toutes les démarches ! De toutes les formes de la pensée religieuse, c’est peut-être cette religion scientifique que la science condamne et condamnera le plus durement.

Voilà quelques brèves réflexions à propos du livre suggestif de M. Smith. On ne le lira pas sans profit. Il a le mérite, avec un vif sentiment des difficultés, d’avoir une doctrine sur l’un des plus hauts problèmes qui puissent solliciter la pensée philosophique. Cette doctrine, on peut la combattre, mais ceux mêmes qui lui sont le plus hostiles ne pourront manquer de tenir compte avec estime des arguments de M. Smith.

Y.

John Morley. On compromise. Londres, in-12, Macmillan, 1886.

Dans ce petit livre substantiel, M. Morley, l’un des hommes politiques les plus éminents de l’Angleterre contemporaine, combat avec une réelle vigueur de dialectique ce qu’on pourrait appeler la doctrine des compromissions. C’est, en d’autres termes, une déclaration éloquente des devoirs de l’homme envers la vérité.

Vieille maxime, et qui n’en est pas pour cela plus morale, que celle-ci : « Il est souvent utile aux peuples d’être trompés. » Platon veut que ses magistrats pratiquent de pieux mensonges, dans l’intérêt des citoyens. Il serait difficile de citer, dans le passé, un homme d’État qui n’ait plus ou moins mis en pratique le précepte platonicien ; et quand vraiment l’intérêt général, non l’intérêt personnel, a été le mobile du mensonge politique ou diplomatique, c’est déjà un rare degré de moralité. M. Morley rappelle qu’en 1779 l’Aca-