Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
454
revue philosophique

Dès les premières études sur le somnambulisme, on signalait des faits de ce genre. « On profite souvent de l’heure du somnambulisme, dit Deleuze en 1825, pour faire prendre au malade un remède pour lequel il a de la répugnance. J’ai vu une dame, qui avait de l’horreur pour les sangsues, s’en faire appliquer aux pieds pendant le somnambulisme et dire à son magnétiseur : « Défendez-moi maintenant de regarder mes pieds quand je serai éveillée. » En effet, elle ne s’est jamais doutée qu’on lui eût posé des sangsues[1]. » Bertrand à la même époque écrivait : « J’ai vu la personne qui magnétisait les somnambules leur dire quand elles étaient endormies : Je veux que vous ne voyiez en vous éveillant aucune des personnes qui se trouvent dans la chambre, mais que vous croyiez voir telle ou telle personne qu’il leur désignait et qui souvent n’était pas présente. La malade ouvrait les yeux et, sans paraître voir aucune des personnes qui l’entouraient, adressait la parole à celles qu’elle croyait voir[2]… » Voici un récit curieux de Teste : « Mme G. est endormie, M… dirige sur quelques personnes présentes deux ou trois grandes passes longitudinales. Mme G. qu’il éveille ensuite n’aperçoit plus que lui et moi, tout le reste de la chambre où elle paraît persuadée d’être seule avec nous deux lui semble rempli, dit-elle, d’un nuage blanchâtre. « C’est prodigieux, dit-elle, j’entends des voix qui me parlent, mais où sont ces messieurs, et M… qu’est-elle devenue ?… Il est certain que je les entends, dites-leur donc de se montrer, je vous en prie, cela me fait peur[3]. » Le plus singulier c’est la façon dont Teste explique le phénomène : « C’est le fluide magnétique, vapeur inerte, opaque et blanchâtre, séjournant comme un brouillard où la main le dépose, qui cache les objets à la somnambule. » Il ne faudrait pas d’ailleurs prêter à tous les magnétiseurs anciens cette explication un peu puérile. Bertrand, comme on sait, soutenait une théorie tout à fait analogue à celle de Braid. « L’impression suggérée, dit celui-ci, en 1843, s’est à tel point emparée de l’esprit du patient que l’on peut, sous son influence, suspendre les fonctions de la vue, le rendre aveugle devant un objet placé devant lui, ou provoquer la pensée que cet objet est transformé en un autre[4]… » Cette théorie avec peu de modifications se retrouve dans l’ouvrage du docteur Philips[5] et dans celui du Dr Liébault, mais il me semble que tous ces observateurs confondent

  1. Deleuze, Instruction pratique sur le magnétisme animal. 4e édit.. 1853, p. 119.
  2. Bertrand, Traité du somnambulisme, 1823, p. 256.
  3. Teste, Le magnétisme expliqué. 1845, p. 415. On trouverait des récits du même genre chez beaucoup de magnétiseurs. Faria, Dupotet, etc.
  4. Braid. Neurypnologie. 1883, p. 247.
  5. Cours de braidisme. 1860, p. 120.