Adrienne avait alors connaissance : c’était un moyen de la mieux connaître.
Reprenons la première expérience, elle n’est pas dramatique et a l’inconvénient de n’amuser ni le public, ni les somnambules, mais elle est très précise. Pendant le sommeil, je mets encore les cinq papiers sur ses genoux et je répète le même commandement : « Vous ne verrez pas les papiers marqués d’une croix. » Au réveil, je n’interroge pas L… comme je le faisais précédemment et je ne lui fais pas enlever les papiers qu’elle voit. C’est Adrienne que j’interroge maintenant la première et c’est à elle que je demande de me remettre les papiers qui sont sur ses genoux. Les yeux se baissent un instant et la main me tend deux papiers seulement, les deux marqués d’une croix. J’insiste, elle ne bouge plus, enfin elle écrit : « il n’y en a plus. » J’interpelle alors L… « Donnez-moi les papiers qui sont sur vos genoux. » Elle regarde et me donne sans hésitation les trois papiers qui restent. Ainsi tous les papiers ont été vus et remis, mais les uns l’ont été par L… et les autres par Adrienne. Aucune ne les a vus tous. Je rendors et je recommence la seconde expérience. « Vous ne verrez pas, dis-je, pendant le sommeil, les multiples de 5. » Au réveil je demande à Adrienne les numéros des papiers qui sont sur ses genoux. « Il y en a 4, répond-elle par écrit, 10, 5, 20, 15. » L… d’ailleurs voit les 16 autres. Et ainsi de même pour toutes les autres expériences, Il faut donc ajouter un mot de plus à ce que je disais tout à l’heure : Adrienne voit les objets que L… ne voit pas, mais elle ne peut voir que ceux-là.
Si la remarque précédente est vraie, elle doit avoir cette conséquence Tout phénomène surajouté artificiellement à la conscience d’Adrienne sera enlevé à la conscience de L…, puisqu’elles ne semblent pas voir une même chose toutes les deux à la fois, et on doit faire ainsi l’anesthésie systématisée pour L… en donnant une suggestion positive à Adrienne. Essayons : Pendant le sommeil, je m’assure que je suis écouté par Adrienne et c’est à elle que je parle : « Adrienne, vous verrez au réveil les papiers marqués d’une croix… les multiples de 3, etc. » Le résultat est exactement le même qu’autrefois. L…, interrogée la première, ne voit plus ces mêmes papiers. J’avais remarqué qu’Adrienne ne se servait pas des yeux pour écrire et qu’en général elle ne voyait pas. Je lui suggère de se servir de ses yeux et de voir clair. C’est ce qui a lieu au réveil, mais aussitôt L… s’écrie : « qu’y a-t-il donc… je ne vois plus », et je suis obligé de la rendormir pour dissiper son trouble. « Quand vous serez réveillée, dis-je encore à Adrienne, vous allez savoir les nombres et vous les écrirez sur un papier. » Pendant qu’elle les écrit automatiquement, une autre per-
