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immobile ; nous fermons les poings ; le sourcil ne se fronce pas, le front reste calme et uni. La suggestion par le sens musculaire était totalement effacée.

Nous avons alors laissé la main dans la position du baiser lancé, pendant environ cinq minutes. Au bout de ce temps, la suggestion se réveilla peu à peu, et en imprimant à la main un mouvement de va-et-vient, nous parvînmes à faire sourire la bouche.

Cette expérience, que nous avons donnée in extenso, contient plusieurs enseignements ; mais elle nous intéresse ici particulièrement en nous montrant que si notre première tentative de suggestion avait échoué, c’était parce que la malade était persuadée d’avance qu’elle ne réussirait pas. Tel est donc l’effet du scepticisme.

5. — Au lieu de laisser au sujet l’initiative de ce scepticisme, on peut le lui suggérer. On ne fait pas autre chose en réalité quand on a recours aux suggestions à forme négative. Lorsqu’on dit à l’hypnotique : « Vous ne voyez pas M. X…, qui est présent », on lui donne une conviction qui a pour résultat d’affaiblir et même de paralyser la perception qu’elle a de cette personne. Lorsqu’on lui dit : « Vous ne pouvez pas remuer votre bras ! » on lui donne une conviction qui a pour résultat d’affaiblir et même de paralyser l’influx moteur qui met le bras en mouvement. La suggestion de paralysie sensorielle ou motrice nous paraît rentrer dans la catégorie des causes d’affaiblissement des images. Nous n’insistons pas sur ces faits bien connus.

6. — On peut reproduire tous ces phénomènes paralytiques pendant la veille au moyen d’une simple idée fortifiée par une excitation périphérique ; on dit négligemment au sujet que sa main est paralysée ; il se met à rire ; on l’invite à mettre la main sur le disque rouge et à la regarder ; au bout d’une minute, la main est complètement flasque ; elle a perdu le sens musculaire, les réflexes du poignet sont exagérés, enfin la paralysie est complète. Chez certains sujets, l’impotence fonctionnelle se supprime spontanément au bout de quelques minutes. Chez d’autres, elle dure, et il faut intervenir pour y mettre un terme.

Comment doit-on interpréter cette expérience ? On a le choix entre deux hypothèses. D’après la première, la suggestion opère en inculquant au sujet l’image de la paralysie, et l’excitation périphérique, dynamogéniant cette image, en rend l’effet plus prompt et plus énergique. Mais il faut avouer qu’on a quelque peine à comprendre comment l’image d’une paralysie peut se réaliser en quelque sorte dans une paralysie matérielle. Il y a là une supposition qui ne parait guère s’accorder avec les phénomènes connus de la psychologie. Il nous paraîtrait donc plus simple d’accepter la seconde hypothèse,