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le droit naturel au collège de france

qui ne sont pas susceptibles d’une détermination précise, qui ne sont pas circonscrits dans des limites invariables et qui ne sont pas de nature à être exigés par la force, parce qu’ils ne sont pas indispensables à l’accomplissement de nos devoirs, soit particuliers, soit généraux. » Il y a là, au moins pour la première espèce de droits, une théorie nouvelle. Le droit strict, le droit rigoureusement exigible, serait tout ce qui est nécessaire à l’accomplissement d’un devoir. Je crois cette théorie plus exacte et plus féconde que la première ; mais elle a le double tort de n’être indiquée qu’en passant et de ne pas embrasser tous les droits, d’après la division même de l’auteur.

Une troisième théorie se fait jour, dès les premières pages de la Philosophie du droit civil, et sert, au fond, de base à tous les développements ultérieurs. Le droit, dans cette théorie, aurait pour objet d’assurer la dignité de la personne humaine ». Cette théorie, non plus que les précédentes, ne suffit pas à expliquer complètement tous les droits ; mais elle a, pour ceux même qui lui semblent le plus étrangers, une haute valeur et M. Franck lui doit, dans tout l’ensemble de ses doctrines, les plus heureuses déductions. C’est surtout sous l’inspiration de cette théorie que sa philosophie sociale, malgré de rares et passagères défaillances, a su garder un caractère si liberal. Elle ne lui appartient pas en propre ; mais c’est pour lui un grand honneur de s’y être fermement attaché et de l’avoir suivie dans toutes ses conséquences.

Je dépasserais les proportions d’un article, si je m’engageais dans l’analyse et dans la discussion de tous les points traités par M. Franck. Sur la plupart je n’aurais qu’à louer la sûreté de son jugement et l’élévation de sa pensée. J’aime mieux m’attacher à ceux où je me sépare de lui et qui peuvent donner lieu à une utile controverse. Est-il besoin d’ajouter que si la critique tient la plus grande place dans cet examen, elle est elle-même un hommage aux Consciencieux efforts de l’auteur pour aller jusqu’au fond des plus graves et des plus difficiles questions qui intéressent et qui passionnent la pensée contemporaine ? La banalité seule ne se laisse pas critiquer.

Je prendrai les questions du divorce, de la propriété intellectuelle, des concordats et du droit de punir.

III

M. Franck est partisan du divorce. Je le suis moins que lui, sans y être absolument contraire. Il n’admet d’ailleurs le divorce que comme un droit extrême, dont l’exercice doit être circonscrit par les conditions les plus étroites. Il loue la loi actuelle d’avoir écarté le divorce par consentement mutuel et il lui reproche d’avoir, par contre, ouvert au divorce une facilité nouvelle, en assimilant complètement l’adultère du mari à celui de la femme. Sur tous ces points, je n’ai aucune objection. Mes réserves ne portent que sur le dernier paragraphe du chapitre : « Il