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ne s’agit pas ici d’une question de chiffres et de race, mais d’une question de droit naturel. Les principes du droit naturel sont valables pour tous les nombres, pour tous les climats et pour toutes les races. » Le droit naturel est le droit idéal. Or l’idéal du mariage est certainement l’indissolubilité. La faculté du divorce n’est qu’une de ces déviations de l’idéal, qu’exige partout la réalité et dont la nécessité, la convenance, les proportions sont subordonnées précisément à ces questions de statistique, de climats et de races, que M. Franck prétend écarter. Comment lui-même a-t-il justifié le divorce ? Par les dangers que fait courir à la famille et à la société tout entière le maintien de l’indissolubilité, alors que le lien moral du mariage s’est brisé sans espoir de retour. C’est donc une question, non de droit pur, mais d’utilité sociale. Or nul, plus fortement que M. Franck, ne repousse les théories qui fondent le droit sur l’utilité. S’il invoque en faveur du divorce des raisons d’utilité, c’est qu’il y voit autre chose qu’un droit. Dès lors la solution qui a ses préférences perd le caractère absolu qu’il prétendait lui donner.

Les avantages du divorce, les dangers d’une indissolubilité sans exception sont affaire contingente et peuvent s’apprécier différemment suivant l’état des mœurs. Ces avantages et ces dangers ne doivent pas d’ailleurs être considérés isolément dans chaque cas, mais, d’une manière générale, dans l’influence que le divorce peut exercer sur tout l’ensemble des ménages, dans les pays qui l’ont adopté. « Le divorce produit fatalement l’abus du divorce, dit très justement un jurisconsulte philosophe, et l’abus du divorce compromet l’existence même de la famille.[1] » M. Franck reconnaît que c’est là une objection formidable. » Il n’a pas tort cependant de ne la pas croire « irréfutable ». Il se peut en effet que le péril signalé par M. Glasson soit plus que compensé par les dangers en sens contraire qui naîtraient de l’interdiction du divorce ; mais c’est là évidemment une question de mesure, où tout est relatif et où il convient de dire : « Vérité en deçà des Pyrénées ; erreur au delà. M. Glasson distingue les races latines des races germaniques et il refuse aux premières ce qu’il accorderait avec moins de répugnance aux secondes. La question de religion me paraît plus importante en la matière que celle de la race ; mais de toute cette discussion je ne veux retenir qu’un point, c’est que pour les politiques, pour les jurisconsultes, pour les philosophes (je ne dis pas pour les théologiens), les principes absolus n’ont rien à voir dans un débat sur le divorce ; il ne s’agit que d’opportunité.

IV

Sur la question de la propriété intellectuelle, mes objections seront plus graves que sur celle du divorce. Je louerai d’abord M. Franck d’avoir

  1. M. Glasson. Le mariage et le divorce, 2e édition, 1880.