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le droit naturel au collège de france

ait à faire œuvre de propagande religieuse, qu’il ait mission de « procurer le pain spirituel » et que la religion, quels que soient ses rapports avec l’État, est un service public, puisqu’elle est indispensable à la société tout entière. » C’est la une théorie excessive, qui se réfute par les conséquences mêmes que l’auteur en a tirées. Un concordat, dans cette théorie, n’est pas seulement l’exercice d’un droit pour les deux parties contractantes, c’est une obligation, c’est le plus impérieux des devoirs. M. Franck condamne à la fois toutes les Églises et tous les États qui ne sont liés par aucun contrat de ce genre. On a vu avec quelle sévérité il juge le régime religieux des États-Unis. Mais il n’affirme pas seulement la nécessité des concordats ; c’est tel type de concordat, c’est le concordat français qu’il impose à tous les peuples et en dehors duquel il ne voit point de salut pour le bon ordre, pour l’honneur national, pour la moralité publique. Les règles qu’il pose sont tellement absolues qu’elles rendent en réalité les concordats inutiles. S’il y a de part et d’autre obligation d’appliquer ces règles, il n’est besoin d’aucune convention. Et, en fait, il n’y a eu aucune convention pour une partie des dispositions législatives dont M. Franck fait honneur au régime du concordat dans notre pays : la puissance publique les a seule édictées de sa souveraine autorité.

Je ne saurais accepter cette théorie. Je suis prêt à déclarer que le concordat de 1802 a été une œuvre de haute sagesse et que les lois qui l’ont complété, soit pour le culte catholique, soit pour les autres cultes, ne méritent pas une moindre approbation ; mais je ne confonds pas la sagesse avec le droit absolu et je ne crois pas non plus que, dans cet ordre de matières, la sagesse tienne partout le même langage. Je désire que la France reste fidèle au concordat ; mais, si j’étais Américain, je ne désirerais pas que mon pays abandonnât un régime religieux, approprié à ses traditions et à ses mœurs, pour adopter le régime français. Les deux régimes ont leurs abus ; ils n’ont pas prévenu tous les conflits ; mais chacun d’eux, des deux côtés de l’Atlantique, a rendu à la paix publique des services assez signalés pour qu’il y ait tout à craindre et peu à espérer d’une révolution.

VI

M. Franck a mieux traité le principe particulier du droit de punir que les principes généraux du droit. I l’a soumis à une discussion étendue, approfondie et qui me paraît décisive. Les réserves que j’aurais à y faire portent sur la forme plutôt que sur le fond de la doctrine.

Je ne m’arrêterai pas, dans ce te discussion, aux polémiques, soit contre l’école traditionaliste, soit contre les écoles sensualistes et matérialistes. M. Franck reste là sur un terrain qui lui est cher et ses arguments sont prévus d’avance. Mais ce qui fait le plus grand honneur à l’indépendance autant qu’a la sûreté de son jugement, c’est une