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ANALYSES.charcot et richer. Les Démoniaques dans l’art.

ceux qui s’occupent d’esthétique, la grande compétence des auteurs en ce qui concerne l’expression de la crise hystérique n’ayant pas besoin d’être signalée. C’est à Rubens surtout (pp. 55-65) qu’est faite la place d’honneur. Ses différents démoniaques sont passés en revue. Dans son Saint Ignace guérissant les possédés (Musée de Vienne) reproduit en gravure, on trouve les caractères les plus remarquables de la grande attaque. « Il était impossible de dire plus en aussi peu de traits, et de réunir en une même figure plus des signes effrayants qui caractérisent la grande névrose. » À travers le xviie et le xviiie siècle (convulsionnaires de Saint-Médard), l’ouvrage nous conduit jusqu’aux démoniaques d’aujourd’hui, c’est-à-dire à ceux (hommes ou femmes) qui sont atteints de la grande hystérie. On en trouvera une description sommaire avec représentations figurées.

La conclusion de l’ouvrage, c’est que les grands artistes, observateurs pénétrants, ont su voir ce qui est et reproduire exactement la nature. « Car il ne suffit pas de déformer à plaisir et de faire étrange à volonté. Il y a sous l’incohérence apparente une raison cachée qui relève d’un processus morbide, et dans les déformations des parties ou les contorsions de l’ensemble, de même que dans le mode de succession ou de groupement de tous ces phénomènes, on retrouve les marques indiscutables d’un ordre préétabli, la constance et l’inflexibilité d’une loi scientifique. »


Bourneville.la possession de Jeanne Fery (1584, in-8o, Paris, Delagrave et Lecrosnier, réédition).

Si les études sur les troubles de la personnalité ne datent que de la deuxième moitié de ce siècle, ces états pathologiques ont existé de tout temps ; mais ils étaient compris sous le terme générique de folie et attribués le plus souvent à des causes surnaturelles. Dans l’étude que M. Bourneville vient de rééditer, il s’agit d’une religieuse possédée, c’est-à-dire atteinte de la forme la plus sévère de l’hystérie. Outre des extases, des sensations viscérales qui lui faisaient croire qu’elle avait avalé un serpent, la malade présenta ce phénomène singulier d’une régression à l’état d’enfance (comme le sujet de MM. Camuset, Bourru et Burot) dont il a été plusieurs fois question ici. Après que l’exorcisme eut chassé d’elle « le diable Cornau », la religieuse fut remise en vraie simplesse d’enfance et rendue ignorante de la connaissance tant de Dieu que des créatures, ne pouvant prononcer autres paroles que : Père, Jean et belle Marie, la démontrant avec le doigt et donnant signe de très grande joie pour la présence d’icelle. » En entrant dans la chapelle qu’elle avait vue maintes fois, elle s’admirait grandement à la guise des enfants de voir tant de beaux tableaux et images. » On fut obligé de recommencer sa première instruction, de lui apprendre à se signer du signe de la croix. Il fallut trois jours pour lui apprendre à dire convenablement : In nomine Patris, etc. « Petit à petit, tous les