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premiers rudiments de la piété chrétienne lui furent enseignés. Voire même fut besoin recommencer dès son A B C pour la rapprendre à lire. Et prononçait du commencement le tout avec langue épaisse et fort difficilement, à la guise d’enfant. » L’amnésie à peu près complète, à ce qu’il semble, fut donc accompagnée de troubles plus profonds qui ne se produisent pas toujours et qui ramenèrent la religieuse à l’état infantile.

Ceux qui voudraient, comme M. Bourneville, interroger les documents historiques, trouveraient certainement bon nombre de faits de cette nature. Nous avons remarqué que notre roi Charles VI, le Fou, avait, d’après les renseignements contemporains, un changement au moins temporaire de personnalité. D’après des passages du Religieux de Saint-Denis cité par Michelet (Histoire de France, tome V, ch.  III), il niait être roi de France, marié, père de plusieurs enfants et porter des fleurs de lis ; s’il en voyait sur les vitraux, les murs ou les vases, il les brisait ou les effaçait. Il disait s’appeler Georges et avoir pour arme un lion percé d’une épée.


Gilles de la Tourette.L’hypnotisme et les états analogues au point de vue médico-légal, avec préface de M. le prof. Brouardel. 1 vol.  in-8o, xv — 534 pages. Paris, Plon, 1887.

Ce livre qui émane d’un curieux et d’un érudit constitue, à notre avis, la première étude bibliographique sérieuse qui ait été faite sur l’hypnotisme, le magnétisme animal et les états analogues. Nous soulignons le fait, car il est rare ; les médecins en général ne se piquent pas de bibliographie, et l’on a souvent remarqué, non sans malice, que lorsqu’un médecin commet une faute dans la citation d’un auteur, tous ceux qui écrivent ensuite sur le même sujet commettent la même erreur avec un ensemble parfait.

M. Gilles de la Tourette s’était proposé de ne traiter que la médecine légale de l’hypnotisme, mais l’ouvrage déborde ce cadre trop étroit. En fait, la médecine légale ne tient qu’une petite place dans ce gros volume. Parmi les quatorze chapitres qui le composent il n’y en a guère que quatre, les quatre derniers, qui s’occupent spécialement de médecine légale (les chap. XI, XII, XIII, XIV). Nous n’analyserons que ceux-là.

Examinons une première question : Quel rôle l’hypnotisme peut-il remplir dans la perpétration des crimes et des délits ? — Le crime le plus habituel, le plus fréquent, d’après l’auteur, est le viol (p. 321). À quel moment du sommeil, dans quelle période est-il à craindre ? — La catalepsie est l’état le moins favorable à la perpétration du viol, car cet état ne peut persister un temps assez long sans qu’il survienne une attaque d’hystérie ou une contracture généralisée. Le somnambulisme n’offre pas une occasion plus favorable au violateur, à cause de