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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/559

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CORRESPONDANCE


Mon cher Directeur,

Me permettez-vous de répondre aux quelques mots que M. Beaunis vous adresse à propos d’un passage où je le prends à partie[1] ?

Quand, dans les premières lignes, je lus qu’il avait été pour lui un « coup de massue », j’en fus extrêmement tourmenté, et sur-le-champ je pris la résolution de réparer, dans la mesure du possible, le mal que j’avais pu lui faire. Heureusement la fin de sa lettre me tira de peine. M. Beaunis se portait bien ; il n’avait pas même eu peur. Il avait reconnu tout de suite que la massue n’était — ce qu’elle est en réalité — qu’une inoffensive vessie, telum imbelle sinu ictu.

Il ne m’en voudra donc pas, je l’espère, si aujourd’hui, pour lui rendre ses coups, je me sers encore de la même arme.

1o L’erreur de fait. Le fait que je nie, M. Beaunis se borne à le maintenir. Voilà le lecteur bien empêché entre deux affirmations contradictoires. Devra-t-il donc croire l’un ou l’autre de nous sur parole ? ou bien réclamera-t-il des preuves ?

Or, l’affirmation de M. Beaunis est dénuée de preuve. Je m’explique. M. Liébeault, dont je rapporte les paroles d’après M. Beaunis, avait dit ceci : « L’initiative pour la mise à exécution des actes effectués parait au sujet venir de son propre fond. » Cette proposition, dont la forme est pourtant dubitative, renferme déjà un commencement d’affirmation illégitime. Voici comment M. Beaunis la paraphrase : « Le sujet exécute les suggestions convaincu qu’il est libre, qu’il agit ainsi parce qu’il l’a bien voulu et qu’il aurait pu agir autrement. » (Souligné dans le texte.)

Où sont donc les sujets qui ont fait à M. Beaunis la confidence qu’ils sont convaincus d’être libres ? ou bien comment a-t-il pénétré dans leur âme, d’ordinaire si curieusement fermée ? Il ne nous l’apprend pas.

Quand mes sujets à moi, dressés expressément[2] pour me rendre compte de ce qui se passe en eux, viennent spontanément et séparément me décrire avec tant de vérité et de concordance les mouvements de leur âme, mes affirmations sont-elles encore de celles qui se nient sans plus de façon ?

Mais il y a mieux, c’est que les observations rapportées par M. Beaunis corroborent les miennes. Dans sa lettre, il croit devoir excepter les actes qui répugnent au caractère et aux habitudes de l’hypnotisé ; et,

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.
  2. Dans la nouvelle édition de son livre sur le somnambulisme provoqué, Paris, 1887, M. Beaunis m’objecte ce dressage (p. 264) — c’est à propos de mes expériences sur la mémoire. L’objection est assez inattendue. Il croit que si j’opérais comme lui, j’arriverais aux mêmes résultats que lui. J’incline à le croire. Mais alors à quoi bon expérimenter ?