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LE CALCUL DES PROBABILITÉS ET L’EXPÉRIENCE


Le calcul des probabilités constitue une des branches les plus difficiles de l’analyse mathématique. Laplace l’a porté à un haut degré de perfection et les physiciens font, depuis longtemps, un large usage des résultats obtenus. Les grands géomètres qui se sont occupés de cette science sont unanimes pour soutenir que ce calcul peut fournir un aide précieux pour la philosophie de la nature et pour les recherches que se proposent les sciences morales. Il semble évident qu’on ne saurait tirer un bon parti de la statistique sans en soumettre les chiffres à la discussion et que ce travail rentre dans le domaine du calcul des probabilités ; malheureusement, on aime mieux généralement se contenter de raisonnements par à peu près ; il ne manque pas de gens pour soutenir que le bon sens suffit ; autant vaudrait supprimer tout de suite la logique tout entière et déclarer le syllogisme inutile. Le bon sens ne peut produire que des pétitions de principe ; il consiste, en dernière analyse, à répéter les préjugés populaires, et il ne saurait faire reconnaître aucune vérité nouvelle.

M. Bertrand a publié en 1884 dans la Revue des Deux-Mondes[1] un article assez étendu sur les lois du hasard, où il a cherché à résumer la question ; mais son exposition est loin d’être claire pour les personnes qui ne sont pas familières avec ces problèmes et, d’autre part, il ne semble pas avoir suffisamment discuté les principes sur lesquels s’appuient les géomètres.

I

Dans une question aussi délicate, il est essentiel d’avoir un langage extrêmement précis : malheureusement, le mot probabilité est pris dans plusieurs acceptions, et il me paraît nécessaire, pour discuter

  1. Numéro du 15 avril 1884.