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SOREL.le calcul des probabilités

les principes, d’adopter des termes qui ne puissent donner lieu à aucune erreur. Je propose d’appeler provisoirement chance ce qu’on nomme ordinairement probabilité mathématique.

Supposons que l’on joue avec 2 dés ; on demande la chance d’amener le nombre 7 : j’énumère toutes les combinaisons possibles à supposer entre les faces, et, parmi ces combinaisons, je cherche toutes celles où la somme des 2 chiffres donne 7. Le quotient du second nombre par le premier constitue la chance ou la probabilité mathématique. La chance est une quantité purement arithmétique, que l’on apprendra à déterminer au moyen des procédés de l’analyse pure ; mais elle ne correspond à rien de réel dans le jeu ; je ne sais pas, a priori, si ce nombre est de nature à me donner la moindre indication sur la manière dont les chiffres se grouperont effectivement dans la partie. Nous avons, il est vrai, le préjugé que, dans le jeu effectif, les combinaisons qui offrent le plus chance se produiront plus souvent que les autres, mais c’est le résultat de l’expérience journalière des jeux dits de hasard.

Je suppose que l’on recherche la chance de l’apparition d’une face déterminée (l’as par exemple) avec un dé à 6 faces. La chance dans un coup est 1/6, comme on le voit immédiatement. On suppose 60 parties ; il faudra faire un tableau à 60 colonnes (chacune d’elles comprendra les 6 faces du dé) et combiner entre eux les chiffres, de toutes les manières possibles, puis séparer les combinaisons où l’as apparaît une, deux, trois… fois.

On trouve qu’il y a une chance plus grande d’amener l’as 10 fois exactement que pour toute autre combinaison déterminée ; si on faisait 120 parties, la chance maximum serait pour amener l’as 20 fois, et ainsi de suite. La chance est d’autant plus faible que le nombre des parties augmente, ce que l’on comprend assez facilement, d’ailleurs, en y réfléchissant. Mais le calcul conduit à un résultat tout à fait imprévu, découvert par Jacques Bernouilli. Je suppose qu’au lieu de demander la chance que l’on a d’avoir l’as exactement fois ( étant le nombre des parties), on demande quelle est la chance pour avoir l’as au moins fois, et au plus ( étant un nombre quelconque) ; le calcul prouve que plus est grand, plus cette chance augmente. Par exemple, si on a = 12000, et 12000, et que l’on fasse = 30, il y a une chance supérieure à 1/2 pour que l’as sorte plus de 1970 fois et moins de 2030 ; plus on augmentera le nombre des parties, plus la chance croîtra et elle pourra se rapprocher